Fournitures et Marchés, Fournisseurs
(Législation). Les marchés de fournitures de toute espèce, passés au nom de l’État, doivent être faits avec publicité et concurrence. Les immeubles des fournisseurs sont soumis à une hypothèque légale remontant au jour du marché, pour sûreté de leur cautionnement. Les marchés de fournitures pour les départements sont le plus souvent passés définitivement par le préfet sans approbation du ministre ; c’est aussi ce magistrat qui approuve les marchés passés au nom des communes. Quoique la publicité et la concurrence soient la règle générale pour les marchés de fournitures, il y a néanmoins des exceptions ; on peut traiter de gré à gré avec l’administration dans les cas suivants : pour l’État, si la dépense totale n’excède pas 10 000 fr., pour les communes et les établissements de bienfaisance, si la valeur des fournitures et des travaux ne dépasse pas 3 000 fr., lorsque l’objet dont il est traité n’a qu’un possesseur unique, ou qu’il est l’objet d’un brevet d’invention ; lorsque les fournitures n’ont été l’objet d’aucune offre aux adjudications.
Les fournisseurs doivent faire recevoir les matières qu’ils ont à livrer par un agent préposé à cet effet ; leur responsabilité cesse aussitôt après la réception. Ils peuvent avoir des sous-traitants que l’administration est libre d’accepter ou de refuser, les sous-traitants agréés agissent comme aurait fait le fournisseur qui leur a cédé une partie de son marché ; s’ils ne sont pas acceptés, ils n’ont aucune action directe contre l’État.
Les obligations du fournisseur sont déterminées par les clauses de son marché ; s’il a été convenu qu’une somme lui sera retenue par chaque jour de retard de livraison de ses fournitures ; il n’est pas admis à soutenir que les retards proviennent d’un fait indépendant de sa volonté. Pour être atteint par la cause pénale de la retenue, il faut que le retard ait été constaté et que le fournisseur ait été mis en demeure. Il peut être stipulé qu’en cas de retard du fournisseur, si le service en souffre, un marché d’urgence pourra être passé à ses risques et périls ; le fournisseur n’a pas le droit d’attaquer un tel marché, ni d’en profiter s’il arrivait que le prix en fût plus avantageux que celui du marché primitif. Enfin il peut être convenu que le retard donnera à l’administration le droit de résilier le marché ; la résiliation prononcée a lieu sans indemnité, même à l’égard des tiers auxquels le marché aurait été cédé. L’accomplissement des obligations du fournisseur est garanti par un cautionnement ; si cette garantie a été donnée par une personne agréée comme caution, l’administration a son recours contre elle ; si le cautionnement consiste en valeurs mobilières, elles peuvent être vendues, et s’il consiste en immeubles, des inscriptions hypothécaires sont prises, et l’expropriation, le cas échéant, peut être poursuivie. Quand le fournisseur remplit ses engagements, son cautionnement peut lui être rendu au fur et à mesure de l’exécution.
Non seulement les fournisseurs qui n’exécutent pas leur marché se rendent passibles d’indemnités pécuniaires, mais ils encourent des peines, suivant les circonstances et selon la gravité de leurs méfaits. Ainsi, ils sont poursuivis devant les tribunaux correctionnels et condamnés à un emprisonnement et à une amende lorsqu’ils trompent sur la nature de la marchandise, lorsqu’ils vendent à faux poids ou appliquent aux objets livrés par eux le nom d’un fabricant qui n’en est pas l’auteur. La peine de la réclusion, prononcée par la Cour d’assises, est appliquée aux fournisseurs des armées de terre et de mer, qui, avec une intention coupable, font manquer le service en temps de guerre, sans avoir été contraints par force majeure ; leurs agents, les fonctionnaires ou agents du gouvernement qui les ont aidés sont aussi punis ; si le service n’a pas manqué, les fournisseurs ne sont punis que de la peine correctionnelle d’un emprisonnement de 6 mois au moins et de 5 ans au plus. Les délits des fournisseurs ne peuvent être poursuivis que sur la dénonciation du gouvernement.
L’administration, de son côté, est tenue d’exécuter les conditions du marché ; elle ne peut le résilier que pour des causes déterminées dans le contrat ; si elle prononçait la résiliation pour d’autres motifs, son arrêté ne serait point valable, et pourrait être déféré au conseil d’État, qui ordonnerait l’exécution du marché sous peine de dommages-intérêts contre l’administration qui refuserait d’accomplir son contrat. Ces dommages-intérêts ne peuvent consister que dans la réparation du préjudice matériel éprouvé, telles que remboursement de dépenses, frais de voyage, indemnité aux sous-traitants.
Ce sont les fournisseurs eux-mêmes, ou leurs héritiers, leurs créanciers en leur nom, qui poursuivent la liquidation des fournitures qu’ils ont faites à tel ou tel ministère ; ils doivent produire à l’appui de leur demande les pièces exigées par les règlements particuliers de chaque ministère. Le ministre des finances peut refuser le payement de créances liquidées, si la réclamation a été tardive, ou si le titre était frappé de déchéance ; l’administration du Trésor peut même poursuivre la restitution de sommes qui auraient été indûment payées. Les fournisseurs n’ont droit à l’intérêt de leurs avances qu’autant que cela a été formellement stipulé.
Les difficultés élevées sur l’exécution de marchés de fournitures faites à l’État sont jugées par les ministres, sauf recours au conseil d’État ; les arrêtés pris par les préfets pour l’exécution des marchés administratifs sont passibles de recours au ministre, dont les décisions peuvent seules être attaquées devant le conseil d’État. Les tribunaux ordinaires jugent les contestations entre les fournisseurs et leurs cautions ou les sous-traitants. C’est le tribunal de commerce qui prononce entre ces personnes quand il s’agit de l’exécution des fournitures, et c’est au tribunal civil qu’il faut déférer les questions de propriété, de saisie immobilière, de rang d’hypothèque, d’ordre entre les créanciers. Les contestations nées des marchés au nom d’une commune, d’une administration d’hospice, d’une fabrique d’église, sont jugées par les tribunaux.
Des règles particulières existent pour les divers objets, les formes, les conditions, les contentieux des marchés de fournitures passés avec l’administration de la guerre et de la marine ; les entrepreneurs devront suivre à cet égard les règlements spéciaux, notamment l’ordonnance du 19 mars 1823, les règlements du 20 juillet 1824 et du 1er septembre 1825, et l’ordonnance du 10 mai 1844 (Voy. sur les règles générales des marchés de fournitures, le décret du 20 septembre 1791 ; les arrêtés du 24 niv. an ii et du 7 fructidor an vi ; la Constitution de l’an viii ; les décr. du 11 juin et du 12 déc. 1806 ; le C. pén., art. 423, 430-433 ; le C. de comm., art. 632 ; le décret du 25 mars 1852 ; l’instruction ministér. de janvier 1873, etc.