Fourrage
(Écon. rurale). La dénomination de fourrage s’applique non seulement au foin, mais encore à l’herbe verte des prés et des prairies artificielles, aux racines cultivées pour l’usage des bestiaux, aux pailles des céréales et des plantes légumineuses dépouillées de leurs grains, et aux feuilles ou aux rameaux d’un grand nombre d’arbres que l’on recueille sous le nom de feuillée. Nous indiquons aux articles consacrés à chaque espèce de bestiaux l’espèce de fourrage qui leur convient le mieux, soit pour la nourriture ordinaire, soit pour l’engraissement. Il reste à déterminer deux points importants : 1° dans quelle proportion il faut distribuer aux animaux les diverses espèces de fourrage pour obtenir les mêmes résultats nutritifs ; 2° de quelle manière il faut leur faire consommer ces substances différentes.
1° Il a été reconnu par l’expérience que 3 kilos de bon foin sont une ration suffisante pour 100 kilos de chair vivante. Partant de là, on pourra facilement, à l’aide du tableau suivant, trouver la quantité de chaque espèce de fourrage nécessaire pour remplacer utilement ces 3 kilos de foin. On remarquera seulement que l’énorme estomac des animaux ruminants ayant besoin d’être rempli pour exécuter convenablement ses fonctions digestives, il faut toujours joindre aux substances très nutritives sous un petit volume une certaine quantité de mauvais foin, de marc ou de toute autre substance grossière pour combler le vide de l’estomac.
100 parties de bon foin sont représentées par :
Foin de sainfoin, de 90 à 100 p.
Foin de vesces, jarosse, millet 90 à 100 p.
Foin de trèfle, spergule, pois 95 à 105 p.
Foin de luzerne 95 à 110 p.
Foin de trèfle incarnat 120 à 150 p.
Foin d’ajonc pilé 125 à 150 p.
Foin de tiges de pommes de terre 130 à 150 p.
Herbes de bonnes prairies 340 à 400 p.
Herbes de médiocres prairies 400 à 500 p.
Herbes de trèfle, luzerne, sainfoin, vesces, millet et céréales 340 à 400 p.
Herbes de pois, spergule, trèfle incarnat, sarrasin 400 à 500 p.
Froment 24 à 28 p.
Seigle et maïs 28 à 32 p.
Orge, millet, sarrasin 40 à 50 p.
Avoine 45 à 60 p.
Fèves, haricots, pois, lentilles et vesces 30 à 40 p.
Graines de foin 50 à 60 p.
Graines de tournesol, de lin 60 à 70 p.
Châtaignes 50 à 60 p.
Marrons d’Inde 55 à 65 p.
Glands 65 à 75 p.
Pommes de terre 180 à 220 p.
Topinambours 240 à 280 p.
Betteraves, rutabagas, panais 250 à 350 p.
Carottes 275 à 400 p.
Turneps ou raves 450 à 550 p.
Raiforts ou radis 700 à 800 p.
Citrouilles 400 à 650 p.
Choux 450 à 500 p.
Tourteaux de lin et faîne 45 à 50 p.
Tourteaux de noix et de colza 50 à 55 p.
Tourteaux de chanvre, cameline, pavots 80 à 100 p.
Résidus d’eau-de-vie de grains 200 à 220 p.
Résidus d’eau-de-vie de pommes de terre 600 à 650 p.
Résidus de sucre de betteraves 300 à 400 p.
Résidus de féculerie, égouttés 200 à 250 p.
Résidus de marc de pommes 200 à 400 p.
Résidus de marc de raisins 150 à 175 p.
Résidus de marc de raisins distillés 300 à 350 p.
Issues, sons 48 à 190 p.
Ballots de pois, de céréales, siliques, gousses, cosses 150 à 200 p.
Feuilles de mûrier vertes 230 à 250 p.
Feuilles de mûrier sèches 70 à 80 p.
Feuilles de noyer vertes 210 à 230 p.
Feuilles de noyer sèches 90 à 100 p.
Feuilles de chêne vertes 130 à 150 p.
Feuilles de chêne sèches 85 à 95 p.
Feuilles de vigne vertes 270 à 330 p.
Feuilles de vigne sèches 90 à 110 p.
Feuilles d’ormeau sèches 75 à 85 p.
Feuilles de châtaignier, frêne, cerisier, hêtre, charme, sèches 100 à 120 p.
Feuilles de tilleul, peuplier, aune, sèches 40 à 130 p.
Pailles de millet, vesces, pois, féverolle, avoine 100 à 200 p.
Pailles d’orge et trèfle 150 à 200 p.
Pailles de seigle 250 à 450 p.
Pailles de froment 300 p.
Pailles de maïs 350 à 450 p.
Pailles de colza, sarrasin, etc 500 à 800
2° L’usage le plus habituel et le plus dispendieux est de donner des aliments bruts tour à tour ou pêle-mêle. Quand ils sont mélangés à l’avance, coupés et divisés le plus possible, la nourriture profite davantage. Une trituration et une macération préalables facilitent encore plus les fonctions stomacales. Si on élève la macération jusqu’à la fermentation, on augmente de nouveau la valeur nutritive du fourrage, ce qu’on peut obtenir encore en le soumettant à l’action du feu et surtout de la vapeur d’eau. Ces derniers moyens, bien que préférables au premier, ne s’emploient encore que trop rarement. Voici un exemple d’une excellente préparation de fourrage très facile à mettre en pratique. On emploie concurremment de la paille et du foin hachés, des balles de grains, du grain moulu et des pommes de terre ou betteraves. Le tout est déposé, par couches alternatives et bien pressées, dans une cuve ou dans une caisse, puis arrosé d’eau chaude ou d’eau froide, en grande quantité pour que toute la masse soit mouillée. L’eau surabondante s’échappe par le bas de la cuve ou de la caisse, qui sont à cet effet percées d’un plus ou moins grand nombre de trous. On ajoute un peu de sel aux racines, et on recouvre la cuve avec un couvercle de bois. Le mélange ne tarde pas à s’échauffer ; les racines se ramollissent et finissent par se changer en une bouillie liquide qui pénètre toute la masse. Après trois fois 24 h., le mélange peut être servi au bétail. Il a fermenté et acquis une odeur vineuse et une saveur aigrelette et particulière qui plaisent beaucoup aux animaux. On le sort de la cuve et on l’étend dans un endroit propre, pour qu’il se refroidisse et que la fermentation cesse ; car, si elle se continuait, les matières passeraient à l’état putride et seraient repoussées par le bétail. Toutefois, cette nourriture ne doit constituer que les deux tiers, ou tout au plus les trois quarts de la ration ; le reste consistera en foin ou en paille comme d’ordinaire.
La conservation des fourrages secs demande les plus grandes précautions pour qu’ils ne se gâtent pas ou ne prennent pas de mauvais goût (Voy. Foin). Quelques tuiles dérangées à la toiture d’une grange ou d’un fenil, non seulement laissent passer l’eau pluviale et la neige, mais encore donnent accès, pendant la mauvaise saison, à l’air chargé de brouillards, et aussi aux fouines et autres bêtes puantes. Il en résulte mille avaries pour les fourrages qui deviennent poudreux ou contractent une odeur repoussante qui se communique de proche en proche. Les bestiaux rebutent alors ces aliments, qui, après avoir coûté bien des peines et des frais jusqu’au moment où ils ont été serrés dans le fenil, ne sont plus propres à d’autre usage qu’à servir de litière. On doit donc toujours veiller au bon entretien des toitures qui abritent des récoltes si précieuses. Au reste, les meilleures couvertures pour la conservation des fourrages, sont celles en roseau, et, en seconde ligne, celles en paille. Ces couvertures sont plus économiques, bien plus durables, et surtout elles protègent d’une manière bien plus absolue toutes les récoltes contre l’ardeur du soleil, la neige et l’humidité, que la tuile et l’ardoise ; malheureusement elles exposent aussi les récoltes aux chances d’incendie.