Fermage, Fermier
(Droit, Législation). On peut voir à l’article Bail quelles sont les obligations du propriétaire à l’égard du fermier ; voici celles du fermier à l’égard du propriétaire. — Il doit garnir le bien rural qu’il a affermé de bestiaux et des ustensiles nécessaires à l’exploitation ; pourvu que l’exploitation soit suffisamment garantie, le propriétaire n’a pas le droit de prétendre que le nombre de bestiaux serait insuffisant pour répondre du payement des fermages : ce payement est assuré, en outre, par les fruits de l’immeuble et par le mobilier du fermier. La quantité et la nature des bestiaux que le fermier doit fournir dépendent de l’espèce de culture, de la nature du terrain, des usages du pays, et des stipulations du bail. Si la ferme n’est pas garnie de bestiaux et d’instruments aratoires suffisants ou s’il n’en existe pas le nombre fixé par le contrat, le bailleur doit mettre le fermier en demeure de remplir ses obligations à ce sujet ; si cette mise en demeure reste sans effet et qu’il en résulte un dommage pour le propriétaire, celui-ci est en droit de demander la résiliation du bail.
Le fermier doit cultiver comme un bon père de famille, et se conformer à ce que son bail lui prescrit pour le mode d’assolement et de culture, pour l’époque des coupes, pour l’irrigation des prés ; si le bail ne s’explique pas sur le mode d’exploitation, le fermier doit suivre l’usage du pays. S’il a reçu des terres assolées, il ne peut les dessoler, à moins qu’il ne substitue à l’assolement un mode de culture plus avantageux ; il ne peut non plus changer la nature des récoltes, ni doubler les saisons. Il doit labourer de la manière et aux époques usitées, fumer les terres convenablement, les ensemencer comme les autres cultivateurs, entretenir les fossés, parquer les moutons, si c’est la coutume ; faire des prairies artificielles, ce qui lui est permis, dans des limites raisonnables, même lorsque ce n’est pas l’usage de la localité. Il est tenu d’exécuter les rigoles, tranchées, terrassements et autres travaux usités pour améliorer les terres ; d’entretenir les arbres fruitiers en bon état, de les écheniller en temps convenable, de remplacer ceux dont il aurait, par son fait, causé la mort ou arrêté la pousse ; d’employer les amendements que les usages locaux mettent à sa charge.
Il n’a pas le droit d’abandonner la culture des terres, de les laisser en jachère, de les convertir en pacages infertiles, de se borner à les ensemencer, de temps en temps, en avoine pour les troupeaux ; de disposer d’aucune des parties des pailles ni engrais, à moins que le pacage des moutons et d’autres engrais n’entretiennent suffisamment la fertilité du sol. Pour qu’il soit obligé de payer une indemnité à raison du défaut d’engrais, il faut que le propriétaire ait préalablement fait constater l’état des terres.
En général, le fermier doit faire consommer dans la ferme même, par ses bestiaux, les foins et fourrages. Toutefois il ne lui est pas rigoureusement interdit de vendre les produits des prairies naturelles et des prairies artificielles qu’il aurait créées dans un but de vente, pourvu que la nourriture des bestiaux et les engrais fussent assurés en quantité suffisante ; sous cette réserve, le fermier peut également vendre les foins et fourrages dans les pays où ils sont considérés comme objet de commerce.
Il n’est pas permis au fermier d’employer la chose à un autre usage que celui auquel elle a été destinée par le bail ; cela ne doit pas, néanmoins, l’empêcher de changer pour améliorer, p. ex., de convertir en pré une pâture mauvaise, de défricher des terres incultes, de semer des pins ou autres plantes sur des terrains stériles.
Pour toutes ses obligations, le fermier doit, avant tout, se conformer aux conditions de son bail. S’il y manque et qu’il en résulte du préjudice pour le propriétaire, celui-ci a le droit de demander la résiliation ; mais les juges peuvent maintenir le contrat et excuser le fermier s’il a des antécédents favorables qui permettent d’espérer une meilleure culture pour l’avenir. En cas de résiliation, le fermier est tenu des dommages-intérêts résultant de l’inexécution de son bail.
Afin de garantir le privilège du bailleur, la loi oblige le fermier à engranger dans les lieux à ce destinés ; dans les localités où l’usage est, à défaut de bâtiments suffisants, de faire au dehors des meules ou meulons, en les recouvrant de pailles, le bailleur peut exiger que ces meules ou meulons soient établis sur sa propriété ; il peut aussi exiger, pour prouver que les récoltes proviennent de ses immeubles et ont eu lieu dans l’année, qu’elles soient engrangées dans ses bâtiments et non dans des lieux appartenant au fermier.
Le fermage se paye de la manière réglée par le bail ; s’il n’y a pas eu de stipulation contraire, il doit être payé en argent ayant cours. Lorsqu’il a été convenu que le fermage se payerait partie en nature, partie en argent, le fermier ne peut payer le tout en argent, lors même que les choses livrables en nature auraient été évaluées, à moins que l’évaluation n’ait été faite expressément pour accorder au fermier la faculté de se libérer en argent, s’il le préférait. De quelque manière que le fermage ait été stipulé payable, c’est à la convention qu’il faut s’en rapporter. En général, si rien de contraire n’a été convenu, le fermage est exigible au domicile du fermier ; mais presque toujours on stipule qu’il sera payable chez le bailleur ; si, dans le cours du bail, le propriétaire transporte son domicile dans un endroit plus éloigné, ou s’il vend l’immeuble à une personne domiciliée dans une autre commune, le fermier, si ce cas n’a pas été réglé dans le contrat, n’est tenu de porter le fermage qu’au domicile qui était indiqué dans le bail. Le fermage, s’il n’y a rien de contraire dans le contrat ni dans les usages locaux, est exigible à la fin de chaque année de jouissance.
Au prix du fermage s’ajoutent quelquefois certaines charges imposées en faveur du propriétaire, p. ex., des charrois pour la réparation des bâtiments ; le temps, le mode des charrois, le nombre des voitures, le lieu où les matériaux doivent être pris, les transports autres que ceux ayant pour objet les matériaux de réparation : tout cela se règle par le bail, sinon, suivant l’usage des lieux ou selon l’équité.
Le fermier est obligé de faire à la chose louée les réparations locatives dont elle a besoin ; la loi n’ayant pas fixé, comme elle l’a fait pour les baux à loyer, en quoi consistent les réparations locatives des biens ruraux, il faut, à cet égard, consulter les usages. On regarde comme réparations locatives des biens ruraux, il faut, à cet égard, consulter les usages. On regarde comme réparations locatives à la charge du fermier le nettoyage des fossés et des rigoles, l’entretien des haies vives en bon état de clôture, l’empierrement des chemins d’exploitation intérieure, l’émondage, le nettoyage et l’échenillage des arbres fruitiers, l’empoissonnement des étangs, les travaux d’entretien des digues, chaussées, déversoirs, le nettoyage des prés, l’entretien en bon état des clôtures faites soit par des barrières ou des haies mortes, soit par des murs, la garniture d’échalas pour les vignes, etc. Si, pendant le cours du bail, il meurt des arbres fruitiers, l’arrachage, le partage et le remplacement sont réglés par l’usage local.
Le fermier est tenu, sous peine de tous dommages intérêts, d’avertir le propriétaire des usurpations commises sur le fonds affermé ; par ce mot usurpation, il faut entendre tout ce qui peut porter atteinte à la propriété, comme l’obstacle à l’exercice d’une servitude. L’avertissement doit être donné dans le même délai que les assignations (Voy. cet article). La meilleure forme à suivre est celle d’une signification par huissier ; mais elle n’est pas de rigueur, et le fermier peut en employer une autre, pourvu qu’elle suffise pour justifier, en cas de dénégation, qu’il a donné l’avertissement légal.
Quant au droit du fermier à une indemnité pour perte de récoltes, et quant à la durée du bail, Voy. Bail et Tacite reconduction (C. Nap., art. 1763-1778).