Émancipation
(Droit). Elle a lieu de plein droit par le mariage (C. Nap., art. 476), à quelque jeune âge que la fille ou le garçon se soit marié, lors même que l’union aurait été contractée avant l’âge légal avec des dispenses ; le bénéfice de cette émancipation est acquis irrévocablement, et ne cesse pas si le mineur devient veuf avant sa majorité.
Le mineur non marié peut être émancipé par son père ou, à défaut de père, par sa mère, lorsqu’il a 15 ans révolus ; il suffit pour cela que le père ou la mère fasse au juge de paix du domicile du mineur la déclaration de sa volonté d’émanciper son enfant (C. Nap., art. 477). Il n’est besoin ni du consentement du mineur, ni de l’explication des motifs qui déterminent ses parents ; le juge de paix n’aurait pas le droit de refuser la déclaration. La mère peut agir non seulement lorsque le père est mort, mais aussi quand il est absent ou interdit, ce qui, toutefois, a été contesté. Les père et mère d’un enfant naturel reconnu ont le droit de l’émanciper.
Le mineur resté sans père ni mère peut aussi, mais seulement à l’âge de 18 ans accomplis, être émancipé, si le conseil de famille, seul est souverain juge de son intelligence et de sa prudence, l’en juge capable ; l’émancipation résulte alors de la délibération du conseil qui l’autorise et de la déclaration du juge de paix, comme président, que le mineur est émancipé (C. Nap., art. 478). Comme il peut arriver que le tuteur chargé par la loi de convoquer le conseil de famille ne l’ait pas fait, si, dans ce cas, des parents ou alliés du mineur de 18 ans, au degré de cousins germains ou à des degrés plus proches, jugent le mineur capable d’être émancipé, ils peuvent requérir le juge de paix, lequel n’a pas le droit de s’y refuser, de convoquer le conseil de famille pour délibérer à ce sujet (art. 479). Quant au mineur, si sa famille n’agissait pas, il ne serait pas recevable à demander sa propre émancipation. Des conditions et des formes particulières sont exigées du mineur émancipé qui veut faire le commerce (C. de comm., art. 2). Voy. Commerçant.
L’émancipation du mineur met fin à la tutelle ; le tuteur est remplacé par un curateur que nomme le conseil de famille. La charge de curateur pourrait être refusée ; les causes d’exclusion, de destitution et d’incapacité sont les mêmes que pour les tuteurs.
Le mineur émancipé est, quant à l’affranchissement de la puissance paternelle, et à la libre disposition de sa personne, dans la même situation que le majeur ; il a son domicile à lui, peut embrasser la profession qui lui convient, n’est plus sujet à la correction paternelle, etc. Comme le majeur, il doit, jusqu’à l’âge déterminé par la loi, obtenir le consentement de ses parents pour se marier ; ce consentement lui est nécessaire aussi pour entrer dans les ordres sacrés ou contracter des vœux dans une communauté religieuse (Décr. du 18 févr. 1809 et du 28 févr. 1810) ; pour se faire adopter (C. Nap., art. 346), etc.
En ce qui concerne ses biens, la capacité de l’émancipé varie suivant l’importance des actes. Il peut faire seul tous les actes de pure administration (C. Nap., art. 481), ce qui comprend la jouissance, l’entretien, la réparation des biens, l’exercice d’un travail ou d’une industrie, les coupes ordinaires de bois, la passation des baux dont la durée n’excède pas neuf années, la perception des loyers et arrérages de toute espèce, la décharge donnée de ses revenus ; il peut compromettre et transiger sur ces divers objets, vendre du mobilier autre que ses capitaux et créances, mais non le donner à titre gratuit (C. Nap., art. 904), s’obliger sur ses revenus et s’engager, sauf réduction en cas d’excès, pour l’exécution des actes qui lui sont permis à titre de simple administration.
L’assistance du curateur est nécessaire à l’émancipé pour recevoir le compte de son ancien tuteur (C. Nap., art. 480) ; pour recevoir le remboursement d’un capital mobilier, même provenant de ses économies, et en donner décharge, le curateur demeurant chargé de surveiller l’emploi de ce capital ; pour céder ou aliéner un capital mobilier ; pour passer des baux de plus de neuf ans ; pour intenter une action immobilière ou y défendre (art. 482), pour provoquer un partage ; pour accepter une donation (art. 935). Si le curateur dans les cas où son assistance est nécessaire la refusait, l’émancipé pourrait s’adresser aux tribunaux qui examineraient les motifs du refus et ordonneraient, s’il y avait lieu, le remplacement momentané ou définitif du curateur ; il pourrait aussi s’adresser au conseil de famille, qui, sur le refus du curateur, nommerait un curateur spécial pour la circonstance.
L’assistance du curateur ne suffit pas pour les actes autres que ceux de pure administration et ceux que nous venons d’énumérer ; l’émancipé doit, de plus, observer les formalités prescrites au mineur émancipé (C. Nap., art. 484), qui sont : l’autorisation du conseil de famille, et, dans certains cas, l’homologation du tribunal. Ces formes sont essentielles pour les emprunts que l’émancipé ne peut faire sous aucun prétexte (art. 483), lors même qu’ils auraient pour objet des actes d’administration, ou qu’ils ne dépasseraient pas une année des revenus. Les mêmes formes sont également nécessaires pour les aliénations d’immeubles (art. 484) ; pour l’établissement des hypothèques ; pour les transactions autres que celles qui portent sur les objets, tels que ses revenus, dont il dispose comme il l’entend ; pour l’acceptation ou la répudiation d’une succession ; pour le désistement d’une action mobilière ou l’acquiescement à une demande de cette nature ; pour consentir un cautionnement.
Les actes interdits au mineur émancipé sont la donation entre-vifs, et le compromis, s’il n’a pas pour objet des actes de pure administration. Quant au testament, l’émancipé n’en peut faire aucun au-dessous de 16 ans ; après cet âge, il ne peut disposer par testament que dans des limites déterminées. Voy. Testament.
Le mineur émancipé qui fait le commerce est réputé majeur pour tous les faits relatifs à ce commerce (C. Nap., art. 487).
Si l’émancipé a contracté, par voie d’achats ou autrement, des obligations excessives, les tribunaux peuvent les réduire, en prenant en considération la fortune du mineur, la bonne ou mauvaise foi des personnes qui ont contracté avec lui, l’utilité ou l’inutilité des dépenses (C. Nap., art. 484). L’action en réduction peut être intentée par l’émancipé, par ses père ou mère, par le conseil de famille. Lorsque les engagements du mineur émancipé ont été réduits, il peut être privé du bénéfice de l’émancipation (art. 485). — Les désordres de conduite, sans dérangement dans la fortune, ne sembleraient pas pouvoir autoriser la révocation de l’émancipation. Le retrait de l’émancipation ne s’applique jamais à celui qui la tient du fait de son mariage.
L’émancipation est retirée en suivant les mêmes formes qui ont eu lieu pour la conférer (art. 485),c.-à-d. au moyen d’une déclaration des père ou mère, ou d’une délibération du conseil de famille. L’effet de la révocation est de faire rentrer l’émancipé soit en tutelle, sois sous la puissance paternelle, s’il a encore ses père et mère, et de l’y faire rester jusqu’à sa majorité accomplie (art. 486), à moins qu’il ne se marie avant cette époque. Si son ancien tuteur était un de ses ascendants, à qui la tutelle est déférée par la loi, il reprend les fonctions de tuteur ; il n’en serait pas de même d’un tuteur nommé ou élu. — Le mineur peut se pourvoir contre la décision qui l’a privé de l’émancipation.