Communauté entre époux
(Droit). L’existence de la communauté ou société de biens entre époux est subordonnée à celle du mariage : elle ne peut le précéder, excepté lorsque l’un des époux acquiert un immeuble dans l’intervalle qui s’écoule entre la confection du contrat et l’acte de célébration. La communauté ne peut être établie pendant le mariage ; elle ne peut survivre à sa dissolution. Une fois établie, elle est irrévocable ; le mari administre le fonds commun et peut en disposer, sauf certaines restrictions : la femme peut demander en justice la séparation de biens quand sa dot est en péril ; elle peut renoncer à la communauté dissoute et se soustraire au payement des dettes, accepter la communauté en se réservant le droit de ne les payer que jusqu’à concurrence de son émolument. — La communauté peut être légale ou conventionnelle. La première est celle dont tous les effets sont réglés par la loi ; la seconde est la communauté légale modifiée au gré des parties (C. Nap., art. 1399).
L’exclusion de communauté peut résulter, avec des effets différents, 1° de la simple déclaration faite par les époux, qu’ils se marient sans communauté ; 2° de la clause de séparation de biens. Dans le premier cas, le mari est chargé de pourvoir aux besoins du ménage ; il perçoit les revenus de sa femme et administre ses biens ; mais les dettes des époux sont séparées, et chacun reste propriétaire de tous ses biens présents et à venir. Lors de la dissolution du mariage, les biens de la femme lui doivent être restitués. Quant aux objets qui se consomment par l’usage, la restitution se fait en argent, sur le pied de l’estimation au temps de l’apport ou de l’échéance. À cet effet on doit joindre un état estimatif au contrat de mariage ou faire inventaire lors de l’échéance. Lorsque l’inventaire est à la fois descriptif et estimatif, l’estimation vaut vente ; le mari devient propriétaire sous l’obligation de payer le prix : si l’inventaire est simplement descriptif, la femme reste propriétaire, le mari doit restituer les objets en nature. Du reste, le mari en sa qualité d’usufruitier universel, doit supporter tout ce qui est charge des fruits, p. ex. les intérêts des dettes et les réparations d’entretien. — Dans le deuxième cas, la femme a la libre administration et la libre jouissance de ses revenus ; les charges du ménage sont supportées pour un tiers par la femme, et pour les deux tiers par le mari. La femme ne peut aliéner ses immeubles sans l’autorisation de son mari. Elle peut laisser à son mari la perception de ses revenus, mais il y a pure tolérance de sa part, elle peut faire cesser cette jouissance quand elle le juge à propos. Le mari doit alors, ainsi qu’au moment de la dissolution du mariage, représenter les fruits existants. Quant aux fruits consommés, ils sont considérés comme employés du consentement de la femme, il ne lui en est dû aucun compte. La séparation conventionnelle est irrévocable. Bien que des époux soient séparés de biens par contrat de mariage, la séparation des biens peut en outre être demandée et obtenue en justice. Cette séparation judiciaire peut faire cesser la nécessité où se trouve la femme de verser entre les mains de son mari qui les dissipe les fonds qu’elle lui remet pour les besoins du ménage, et lui permet de faire elle-même emploi de ces fonds (C. Nap., art. 1500-1505).
Communauté conventionnelle. Les parties peuvent déroger au régime de la communauté, pourvu que les modifications qu’elles apportent n’aient rien de contraire aux lois et aux bonnes mœurs. La communauté peut être réduite aux acquêts (Voy. ce mot). Les époux peuvent exclure le mobilier de la communauté, au moyen d’une déclaration expresse portant que le mobilier présent sera exclu de la communauté, en totalité ou pour une portion quelconque, ou qu’il tombera dans la communauté jusqu’à concurrence d’un tiers ou d’une certaine somme ; dans ce dernier cas l’excédant se trouve exclu. La justification de l’apport a lieu, si c’est la femme qui en est débitrice, par une quittance qui lui est donnée par le mari chef de la communauté ; si au contraire l’apport est dû par le mari, la justification résulte de la déclaration portée au contrat et non contredite par sa femme ou ses représentants que son mobilier était de telle valeur. Au moment de la dissolution de la communauté, chaque époux prélève la valeur des objets : dans cette clause, tout bien étant réputé acquêt, c’est à l’époux qui prétend à un droit de propriété personnelle de prouver son droit. Si c’est le mari qui réclame, la preuve doit résulter d’un inventaire ou de tout autre titre équivalent ; si c’est la femme, elle a le droit de faire la preuve même par témoins ou par commune renommée. — Les époux peuvent faire tomber dans la communauté des immeubles que la loi en excluait, et qui sont alors considérés comme meubles. On peut ameublir un immeuble sans restriction, ou jusqu’à une certaine somme, ou enfin tous ses immeubles (Voy. Ameublissement). — On peut exclure de la communauté soit les dettes antérieures au mariage, soit celles qui grèveraient les successions ou donations qui peuvent échoir aux époux. À l’égard des époux, cette clause oblige l’époux débiteur à faire raison à la communauté de toute dette acquittée par la communauté à sa décharge ; à l’égard des créanciers qui ont le droit de poursuivre leur payement sur les biens de la communauté, il faut, pour soustraire la communauté à leur action qu’il y ait eu inventaire ou état authentique constatant les meubles tombés dans la communauté du chef de la femme, avant ou depuis le mariage. La clause de séparation de biens peut être aussi tacite : ainsi la clause d’apport d’une certaine somme ou valeur suffit pour écarter toute dette qui diminuerait cet apport. Quoi qu’il en soit, la communauté usufruitière de tous les biens des époux n’est pas moins tenue d’acquitter les charges de fruits et conséquemment les intérêts ou arrérages qui ont cours depuis le mariage. — On peut également déclarer par une clause expresse, qu’on n’a pas de dettes antérieures au mariage ; un ascendant, un parent, un étranger peut même intervenir au contrat et faire cette déclaration. L’époux ainsi déclaré franc et quitte est débiteur d’une indemnité, si la dette est réclamée après la dissolution du mariage ; dans le cas où le mari s’est déclaré, ou a été déclaré franc et quitte, il doit être poursuivi en premier lieu, les garants ne doivent l’être qu’en second. S’il s’agit de la femme, le mari peut réclamer immédiatement l’indemnité, et comme il ne peut agir contre sa femme, il peut attaquer directement ses garants, sauf le recours de ceux-ci contre la femme ou ses héritiers après la dissolution. La clause de franc et quitte est absolument sans effet à l’égard des créanciers. — La femme peut stipuler dans son contrat de mariage qu’elle pourra en cas de renonciation à la communauté reprendre son apport et laisser au compte de son mari le fardeau des dettes ; cette faculté ne s’étend qu’au mobilier qu’elle apporte en mariage et non point au mobilier qui lui arrive pendant le mariage. La femme du reste ne reprend son apport que sous la déduction des dettes tombées dans la communauté du chef de son mari, celles qui y sont tombées de son chef restent à sa charge. — La femme et le mari peuvent convenir que l’un ou l’autre des survivants prendra sur la masse avant partage, soit une certaine somme, soit une certaine quantité d’objets en nature, soit même tel objet déterminé. Ce préciput est une convention de mariage non assujettie aux formalités des donations. En cas de séparation de corps le préciput n’appartient qu’à l’époux au profit de qui la séparation a été accordée : si c’est la femme, la somme ou la chose qui constitue le préciput reste toujours provisoirement au mari à la charge de donner caution. — Cette clause n’est point opposable aux créanciers de la communauté ; ils peuvent toujours faire vendre les objets compris dans le préciput, sauf le recours de l’époux sur les biens personnels de son conjoint. — On peut stipuler que l’un des époux prendra une part plus forte ou moindre que la moitié, que tel des époux n’aura à prétendre qu’à une certaine somme pour tous droits de communauté, que la communauté appartiendra en totalité à tel époux. — Les futurs époux peuvent mettre en commun, en outre des biens mobiliers qui tombent dans la communauté légale, soit tous les immeubles présents, soit tous les immeubles présents et à venir (C. Nap., art. 1497-1500 et 1505-1520).
Communauté légale. — Elle a lieu lorsque les parties déclarent se marier sous ce régime, ou lorsqu’elles ne font pas de contrat de mariage. — L’actif de la communauté se compose de tous les meubles présents ; des immeubles acquis dans l’intervalle du contrat de mariage et de la célébration, moyennant l’aliénation d’objets mobiliers destinés à y tomber, sauf toutefois le cas où l’acquisition a été prévue et réglée d’avance par le contrat ; des biens meubles et immeubles acquis pendant le mariage, sauf les immeubles acquis par succession ou donation ; de l’usufruit des biens propres des époux ou conquêts (Voy. ce mot). — Le passif se compose des dettes mobilières existantes avant le mariage ou grevant les successions ou donations échues depuis, et des dettes contractées par le mari administrateur de la communauté ou de son consentement. Lorsque cette dette est relative aux propres de l’un des époux, elle ne tombe dans la communauté que sauf récompense. La communauté doit payer les arrérages et intérêts des dettes personnelles à chacun des époux, entretenir les immeubles, pourvoir aux besoins du ménage. La femme ne peut obliger la communauté ; les dettes contractées par elle sans le consentement du mari n’y tombent donc point, mais les créanciers du mari peuvent agir sur les biens de la communauté pour dettes contractées par celui-ci. Sont également à la charge de la communauté les dettes contractées pour tirer le mari de prison ou pour établir les enfants communs ; celles qui ont profité à la communauté jusqu’à concurrence du profit qu’elle a fait. — La communauté n’est tenue des dettes antérieures au mariage contractées par la femme que lorsque la preuve d’antériorité existe ; mais les actes faisant foi par leur date, il ne suffirait point d’alléguer une antidate pour soutenir la nullité de l’obligation comme contractée pendant le mariage sans autorisation ; la femme pourrait donc être poursuivie valablement sur ses biens personnels, mais seulement sur la partie des biens qui n’entrent pas en communauté, c.-à-d. sur la nue propriété : dans ce cas, le mari n’aurait point de récompense à exercer ; en payant, il est censé avoir reconnu la vérité de la date.
Administration de la communauté. Elle appartient au mari exclusivement. Il peut aliéner, échanger, hypothéquer, vendre les biens qui en dépendent, mais à titre onéreux seulement. Il ne peut faire aucune aliénation à titre gratuit ; il ne peut donner ni des immeubles, ni des universalités de meubles, en s’en réservant l’usufruit. Il ne peut faire un legs au préjudice de la femme ; si l’objet légué tombe dans le lot de la femme à la dissolution de la communauté, le legs est nul et le mari reste seul débiteur du prix d’estimation de l’objet ; si, au contraire, il tombe dans le lot du mari, le legs est valable et reçoit son exécution. Quant aux biens personnels de la femme, le mari peut exercer les actions mobilières et immobilières relatives à la propriété : il peut faire toutes réparations d’entretien, et grosses réparations ; mais, pour ces dernières, la femme en doit récompense ; il peut faire tous actes interruptions de prescription ; il le doit même, et si la femme éprouve un préjudice, elle a un recours contre son mari. Il peut faire des baux de longue durée ; tant que la communauté existe, le preneur est en pleine sécurité ; mais lorsque la communauté est dissoute, la femme a le droit de diviser le bail par périodes de 9 ans ; si donc la communauté est dissoute la 10e année, et que le bail soit consenti pour 27 années, il peut ne durer que 8 ans, si la femme l’exige ; le mari peut renouveler les baux dans les trois années qui précèdent la cessation de la location quand il s’agit de maisons.
Dissolution de la communauté. Elle se dissout par la mort de l’un des époux, par la séparation de corps, la séparation de biens, le jugement qui prononce la nullité d’un mariage présumé. En cas de mort, l’époux survivant doit faire inventaire à l’effet de constater l’actif mobilier. S’il s’en dispense, il perd la jouissance légale des biens que les enfants mineurs prennent dans la communauté et celle des biens qui leur appartient d’autre part ; en outre, la preuve de l’actif de la communauté peut être faite contre lui par commune renommée. Le subrogé-tuteur est solidairement responsable du défaut d’inventaire. — Voy. Partage de communauté, Séparation de corps et de biens.
Communautés religieuses. Voy. Congrégations.