Acte sous seing privé
On peut faire sous cette forme tous les actes, toutes les conventions ou dispositions qu’une loi expresse ne soumet pas à la forme authentique. Les principaux actes qu’on ne peut pas faire sous seing privé sont : les donations, les contrats de mariage, les établissements et les mainlevées d’hypothèques, les emprunts et quittances nécessaires pour opérer la subrogation, les adoptions, les émancipations, les délibérations des conseils de famille, les acceptations de succession sous bénéfice d’inventaire, les renonciations à une communauté ou à une succession, les ventes de biens de mineurs, les licitations ordonnées par justice, les ventes publiques de meubles, bois, récoltes, etc., les ventes aux enchères de marchandises neuves, les ordres et contributions volontaires, les sociétés anonymes, les procurations pour les actes de l’état civil, etc.
En général, aucune forme particulière n’est prescrite pour la réd'action des actes sous seing privé ; les règles des actes authentiques concernant la date, le lieu, les ratures ou interlignes, la lecture, ne lui sont pas rigoureusement applicables (Voy. Abréviations, Date, Interligne, Rature). Il n’est pas nécessaire qu’ils soient écrits par ceux qui les signent, ni qu’ils soient tracés à la plume : quoique écrits au crayon, ils sont valables, pourvu qu’on ne puisse pas les considérer comme de simples notes ou projets. Ils peuvent être rédigés en langue étrangère : mais lorsqu’on les présente à l’enregistrement, on doit y joindre une traduction française. L’essentiel, c’est qu’ils soient signés par les parties contractantes ; jusqu’à la signature, il n’existe encore qu’un projet, dont chaque partie peut se dédire. Il peut arriver que les signatures même ne soient pas suffisantes pour rendre l’acte obligatoire ; c’est ce qui a lieu dans le cas où il est dit expressément, ou bien où il résulte évidemment des clauses, que les parties entendent subordonner leur obligation à la réalisation de leur acte devant notaire ; chaque partie peut alors se rétracter jusqu’à la confection de l’acte notarié. Si on est seulement convenu de faire un acte notarié pour donner plus de sûreté et de force à l’acte privé, la réd'action authentique n’est plus nécessaire pour former le lien entre les parties : elles sont obligées par leurs signatures. Celui des contractants qui, dans ce cas, insiste pour avoir un acte notarié, peut assigner l’autre, s’il s’y refuse, devant les tribunaux, et faire déclarer que, faute de passer l’acte notarié, le jugement en tiendra lieu.
La signature doit être lisible, complète, suffisante pour faire reconnaître sans équivoque celui qui l’a donnée ; il faut mettre un au moins de ses prénoms, et son nom de famille, et non celui qu’on aurait emprunté à une terre, à un domaine. On ne doit jamais se contenter de donner comme signature une marque, une croix ; un pareil signe n’est pas accepté comme une signature, même lorsqu’il est accompagné de la signature de témoins qui déclarent que celui qui l’a tracé ne savait pas signer autrement. Celui qui a volontairement exécuté un acte qu’il a signé d’une manière incomplète ou nulle, ne peut plus se prévaloir de cette irrégularité.
Lorsqu’un acte sous seing privé contient des engagements de la part de chacune des parties contractantes, il doit être fait en autant d’originaux qu’il y a de parties ayant un intérêt distinct. Lorsqu’il ne renferme d’obligation que de la part d’une partie, la signature doit être précédée d’un bon ou approuvé, de la main de celui qui s’engage, s’il n’a pas écrit lui-même l’acte entier.
Ce qui est constaté par un acte sous seing privé fait foi, entre ceux qui l’ont signé, et aussi à l’égard de leurs héritiers, comme ferait un acte authentique ; mais, pour cela, il faut qu’il ne soit pas contesté, c.-à-d. qu’il soit reconnu par celui à qui on l’oppose, reconnaissance qui peut avoir lieu tacitement, par exemple si un débiteur, poursuivi en payement d’une somme due en vertu d’un acte sous seing privé, se borne, sans critiquer l’acte, à demander un délai pour s’acquitter. Celui à qui on oppose un acte sous seing privé, qu’on prétend écrit ou signé par lui, doit avouer ou désavouer formellement son écriture ou sa signature ; ses héritiers ou autres représentants, à titre universel, sont seulement tenus de déclarer qu’ils ne reconnaissent point son écriture ou sa signature ; dans le cas de désaveu ou de méconnaissance, la justice ordonne la vérification (Voy. Vérification d’écriture). S’il y a plusieurs héritiers et que l’un seulement ait reconnu l’écriture, ses cohéritiers ne sont pas liés par là, et l’acte ne fait pas foi contre eux. À l’égard des tiers, un acte sous seing privé, non méconnu, prouve bien les conventions ou dispositions qu’il renferme ; mais il ne prouve pas, comme entre les parties, la vraie date à laquelle il a été passé (Voy. Date).
Le principal désavantage des actes sous seing privé, c’est qu’ils n’ont pas, de plein droit, la force exécutoire ; il faut qu’elle leur soit donnée par un jugement. Lorsque le débiteur signataire ne désavoue pas son écriture ou sa signature, l’acte, s’il est maintenu par jugement, devient exécutoire par le jugement qui prononce la condamnation ; lorsqu’il y a désaveu de l’écriture, l’acte ne peut être exécuté qu’autant qu’un jugement déclare qu’il a été écrit ou signé par celui qui l’avait méconnu. Celui qui reconnaît avoir écrit ou signé l’acte, mais qui prétend qu’on y a introduit des surcharges, additions ou autres altérations, doit l’attaquer par la voie de l’inscription de faux. Voy. ce mot.
Aucun acte sous seing privé ne peut être produit en justice sans avoir été enregistré.