Anguille

(Pêche). La couleur de l’anguille varie, suivant qu’elle habite des eaux vives ou stagnantes, du noir au vert sur le dos et du blanc argenté au jaunâtre sur les flancs et sous le ventre. La grosseur de ce poisson est quelquefois assez considérable ; mais attendu la guerre active que lui font les pêcheurs, il est rare que l’on en trouve qui dépassent 2 kilogr. Au commencement du printemps, les embouchures des fleuves et des rivières qui aboutissent à la mer sont quelquefois remplies de frai d’anguille ressemblant à des fils extrêmement tenus : ce frai, pêché avec des paniers ou des tamis, et déposé dans des viviers ou des étangs, devient en se développant, toute une population d’anguilles ; tout ce qui n’a pas été pêché remonte le cours des fleuves et va se disperser dans leurs affluents, d’où le nom de montée donné à ce phénomène annuel. À la fin de l’automne les anguilles se réunissent et se laissent dériver au courant par paquets de 20 ou de 30, pour regagner la mer ; dans cette occasion, on dit qu’elles se relâchent. Nonobstant ce va-et-vient, il reste toujours à demeure dans les étangs, dans les pièces d’eau, et même dans les eaux courantes, une grande quantité d’anguilles.

Partout ce poisson affectionne les fonds vaseux ; il se pratique dans les berges des trous où il se réfugie pendant le jour, et ce n’est presque jamais que la nuit qu’il sort de ces retraites pour chercher sa proie. Le jour, il serait inutile de vouloir s’en emparer à la ligne flottante, à moins que les eaux fortement troublées, en lui offrant l’absence de la lumière trop vive et une abondante nourriture, ne l’aient attiré hors de ses cachettes. Le soir, on peut en récolter quelques-unes à la ligne à soutenir ; mais c’est surtout avec des lignes de fond, qu’on laisse à l’eau pendant la nuit, que l’on peut prendre le plus d’anguilles. Les hameçons doivent être gros, du n° 1 ou 2 tout au moins, et solidement montés sur un bon cordonnet de lin ; une monture fine n’est pas nécessaire à cause de l’obscurité de la nuit, et d’un autre côté, une simple racine serait bien vite brisée ou coupée par la force musculaire ou par les dents tranchantes de l’anguille. Il faut relever ces lignes dès la pointe du jour ; autrement les anguilles prises feraient de tels efforts pour fuir la lumière, que presque toujours elles réussiraient à briser les hameçons. Les appâts qui réussissent le mieux sont les gros vers de terre, les petits poissons vivants, goujons, loches ou vérons, les queues d’écrevisse dépouillées de leur test, et surtout la chatouille, dont la vivacité et la vitalité prolongée sont d’excellentes conditions pour attirer les anguilles. — On prend encore les anguilles dans des nasses ; mais, pour qu’elles y restent captives, il faut que les verges soient très serrées et assez rigides pour ne pas pouvoir être écartées ; autrement l’anguille, insérant sa queue vigoureuse entre deux verges, ne tarderait pas à s’ouvrir une issue.

Lorsqu’un pêcheur a pris une anguille à la ligne ou au filet, il ne tient rien encore tant qu’il ne l’a pas placée en lieu sûr et bien fermé. Si, pour la transporter, on n’a pas soin de la serrer fortement au-dessous des ouïes en la pressant entre le premier doigt et la pointe du pouce, elle glisse facilement entre les doigts, et une fois à terre, elle regagne l’eau en rampant avec rapidité.

Élèvage des anguilles

De tous les poissons, les anguilles sont ceux qu’on peut élever en plus grand nombre, dans le moindre espace et dans presque toutes les eaux : il suffit de leur choisir un emplacement vaseux ou sablonneux ; par exemple, un petit étang, une mare alimentée par les eaux pluviales, une pièce d’eau, ou bien encore ces lagunes nombreuses qu’on trouve sur le bord de la mer. Le bassin choisi, on l’ensemence, soit avec de jeunes anguilles, soit plus simplement encore avec de la montée ou frai d’anguille. Un litre de montée, pouvant contenir de 5 à 6 000 anguilles, ne coûte qu’un franc. Si l’on préfère des anguilles déjà un peu développées, on s’en procure aisément d’une grosseur de 2 à 3 centimèt. sur une longueur de 10 à 25 centimèt., au prix de 5, 10 ou 15 cent. la pièce, suivant la grosseur. En gros, on les paye ordinairement 40 fr. le mille.

En moins de 4 années, ces anguilles peuvent atteindre 0m,50 de long sur 0m,15 de circonférence : ce qui représente une valeur de près de 2 fr. Vers la 5e ou la 6e année, elles doivent avoir près d’un mètre de long et de 0m,16 à 18 de circonférence : elles pèsent alors 1 kilogr. et valent plus de 6 fr. sur le marché de Paris.

Les anguilles se nourrissent de vers, d’insectes, de larves de grenouilles ou de salamandres, de petits poissons, etc. Si l’on désire les faire grossir promptement, il faudra ajouter à leur alimentation naturelle des limaces, des limaçons écrasés, des chenilles, des hannetons, des débris animaux de toute espèce.

Anguille (Cuisine)

La chair de l’anguille est blanche, grasse et délicate ; mais elle passe pour être de digestion assez difficile. Quand on achète des anguilles, on doit choisir de préférence celles qui ont été pêchées dans les eaux courantes : elles se reconnaissent facilement à leur dos noir et à leur ventre blanc d’argent (Voy. ci-dessus). Pour dépouiller une anguille, on lui attache la tête avec une ficelle qu’on accroche à un clou par l’autre bout ; on fait une petite incision autour du cou pour dégager un peu la peau. Au moyen d’un torchon bien sec, qu’on tient dans les mains, on tire à soi en pressant un peu, et la peau se déroule facilement jusqu’à la queue. On vide alors l’anguille par les ouïes, on l’ébarbe avec des ciseaux, on coupe la moitié de la tête et le bout de la queue, et on fait entrer celle-ci dans le corps, de manière à former une couronne ; on la maintient ainsi liée à l’aide d’un morceau de ficelle.

Anguille à la broche

Après avoir fait choix d’une belle anguille et l’avoir dépouillée et vidée, on l’expose pendant deux ou trois minutes à une braise ardente, on l’essuie, on la tourne en couronne, et, pour la maintenir ainsi, on passe en travers des hatelets d’argent ou, à défaut, des brochettes de bois. On la fait cuire à moitié dans une cuisson préparée comme pour l’anguille à la tartare (Voy. ci-après) ; puis on la fixe sur la broche et on l’enveloppe d’un papier huilé. Il faut que le feu soit clair. Lorsque l’anguille est presque cuite à point, on ôte le papier, afin qu’elle prenne une belle couleur ; on la glace, s’il en est besoin, et on la sert avec une sauce piquante. — On peut encore mettre à la broche deux anguilles de moyenne grosseur, mais de grosseur égale, en les ficelant dos à dos sur un hatelet de fer, de manière que la tête de l’une soit accolée à la queue de l’autre.

Anguille à la tartare

On met dans une casserole un morceau de beurre frais, des carottes coupées en lames minces, des oignons en tranches, du persil, une gousse d’ail écrasée. Quand ces légumes ont été passés au beurre, on y ajoute deux verres de vin blanc et on place dessus l’anguille roulée en spirale, avec poivre, sel, laurier et thym. On la laisse cuire ainsi 15 ou 20 minutes et ensuite refroidir dans sa cuisson. On la retire alors, et, après l’avoir panée avec de la mie de pain, on la trempe dans deux ou trois œufs qu’on aura battus et mélangés avec un peu de la cuisson. On la pane encore partout et régulièrement, et on la dépose avec précaution sur un couvercle de casserole. Il faut alors avoir une friture chaude à point, y glisser adroitement l’anguille, et veiller à ce qu’elle se cuise d’une belle couleur claire. On l’égoutte sur un linge et on la dresse sur le plat avec une sauce rémolade au milieu. — Au lieu de faire frire l’anguille, on peut la mettre sur le gril et la faire cuire à feu doux avec le four de campagne par-dessus.

Anguille à la poulette

Après avoir coupé l’anguille par tronçons de 7 ou 8 centimèt. de longueur, on la met pendant cinq minutes dans de l’eau bouillante à laquelle on aura ajouté un peu de sel et deux cuillerées à bouche de vinaigre. On la retire et on l’égoutte. Il faut alors faire fondre dans une casserole un morceau de beurre avec une cuillerée à bouche de farine, tourner sans faire roussir, mouiller avec moitié vin blanc, moitié bouillon ou eau bouillante, suivant qu’on veut l’apprêter au gras ou au maigre ; enfin, ajouter du sel, du poivre et un bouquet garni. On met l’anguille dans cette sauce avec des champignons et quelques petits oignons, et on la laisse cuire de 25 à 30 minutes. Quand elle est cuite, on retire les oignons, et après avoir lié la sauce avec deux ou trois jaunes d’œufs et un jus de citron, on dresse les tronçons d’anguille sur le plat, et on verse la sauce par-dessus.

N. B. L’anguille est encore très bonne en matelote (Voy. Matelote) ou dans un pâté chaud, soit seule, soit associée à d’autres poissons. — Quant aux très petites anguilles, on peut les servir frites comme tout autre petit poisson, ou grillées et accompagnées d’une sauce piquante.

Anguille de mer ou Congre (Cuisine)

La meilleure manière d’apprêter et de servir ce poisson, c’est de le faire cuire à l’eau de sel avec un bouquet de persil et deux ou trois feuilles de laurier ; puis, quand il est cuit, de le couvrir d’une sauce au beurre (Voy. cet article) relevée par des câpres ou des cornichons hachés.

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