Caille
1° (Chasse). Vers le commencement ou le milieu d’avril, les Cailles partent des côtes de l’Asie, pour passer en Europe : elles attendent, pour effectuer ce voyage, que le vent soit favorable, c.-à-d. qu’il ne les pousse pas par-derrière. Lorsqu’il vient à changer au milieu de leur trajet, elles sont obligées aussi de changer de direction, et il en vient alors fort peu sur nos côtes ; il y a même des années où ce gibier manque presque entièrement. Lorsqu’elles sont assaillies, pendant leur traversée, par une bourrasque ou par un vent arrière, une partie se trouve culbutée dans la mer, et les flots en rejettent quelquefois un grand nombre sur les grèves. Enfin, il en tombe toujours quelques-unes sur les côtes du Languedoc et de la Provence. Pour empêcher que les habitants du littoral ne profitent seuls de la migration de ces oiseaux, et pour que les Cailles puissent librement pénétrer jusqu’au nord de la France, la loi de 1841 défend de les chasser au moment de leur arrivée. Grâce à cette prohibition, la Caille, bien qu’elle soit réellement un oiseau de passage, doit être considérée comme un gibier sédentaire, et ne peut être chassée qu’au fusil, et quand l’ouverture de la chasse a été proclamée. Les Cailles arrivent lorsque les blés ont déjà une certaine hauteur, et comme ils leur offrent un abri favorable, c’est là qu’elles font le plus souvent leur nichée : on en trouve aussi dans les chènevières et les prairies, mais plus rarement. C’est donc dans les chaumes de blé que le chasseur devra les chercher. Si le chaume a été coupé trop bas, si l’année a été trop sèche, et qu’il s’y trouve peu d’herbes, les Cailles chercheront d’autres abris ; il faut alors battre les bords des fossés, les buissons, les places garnies de chardons, et si la chaleur est grande, on pourra rencontrer la Caille dans les prairies, dans les champs de carottes et de betteraves, quelquefois même au bord des taillis, enfin partout où il y a du couvert.
La Caille ne vit pas en compagnie ; dès que les cailleteaux se sentent la force de voler, ils quittent leur mère, et s’en vont chacun de leur côté chercher leur subsistance. Ce gibier a beaucoup de fumet et presque tous les chiens le chassent et l’arrêtent volontiers. Quand le temps est chaud, il tient parfaitement l’arrêt. Il dort au fond d’un sillon, ou bien à l’abri d’une touffe d’herbe ; alors avec un peu d’adresse, on peut le prendre à la main, sous le nez du chien. D’autrefois au contraire, lorsque le temps est frais, l’air vif, la Caille marche beaucoup ; elle fait d’innombrables détours et croise sa voie de cent manières différentes. En pareille circonstance, le chasseur doit modérer l’ardeur de son chien, car, s’il le laissait s’emporter, le gibier partirait de trop loin, ou bien le chien outrepasserait les voies, et la Caille deviendrait introuvable. Lorsque le temps est serein, la Caille ne s’élève de terre qu’à 1 mèt. tout au plus, et file en droite ligne : il est alors assez facile de l’atteindre. Mais lorsque le vent est impétueux, elle part en rasant la terre et fait quelquefois des crochets. Si elle était blottie au milieu d’un buisson, elle file près de terre en se cachant derrière les broussailles, et il peut alors arriver qu’on la manque ; mais si on la suit de l’œil et qu’on examine sa remise, on pourra, avec un bon chien, la rejoindre aisément. Vers la fin d’août, les Cailles commencent déjà à songer au départ. Toutes ne quittent pas le pays en même temps ; il en est même qui restent chez nous assez tard. Pour émigrer, elles se réunissent en bandes, et, si le chasseur peut avoir la bonne fortune de tomber au milieu d’une de leurs caravanes, il devra se hâter de profiter de cette aubaine ; le lendemain, il n’en trouverait peut-être pas une seule.
Quand on veut chasser la Caille au filet, on emploie ordinairement des halliers (Voy. ce mot) : cette chasse se fait au printemps, dans les blés verts. On se sert de l’appeau appelé courcaillet (Voy. ce mot) : on bat l’appeau chaque fois qu’on entend répondre le mâle, et si plusieurs se font entendre, on ne répond qu’à un seul ; si le mâle répond sans s’approcher, c’est qu’il est déjà apparié et alors il faut y renoncer ; s’il passe en volant de l’autre côté du hallier, on garde quelque temps le silence, puis on passe tout doucement de l’autre côté, et on bat l’appeau. Il ne faut du reste employer l’appeau que si l’on est bien exercé à s’en servir ; dans le cas contraire, il vaut mieux employer une chanterelle (Voy. ce mot). On peut aussi employer, au lieu du hallier, la tirasse et le traîneau. Voy. ces mots.
2° Élève des Cailles. — La Caille, au lieu d’être un gibier qui devient tous les jours de plus en plus rare, pourrait aisément peupler nos basses-cours. Il lui faut une volière exposée au levant, divisée en plusieurs compartiments de 1m,50 de long et de large sur autant de haut, à la fois bien abritée par-derrière, et bien éclairée par-devant : la façade, les côtés, et une partie de la toiture, seront fermés d’un grillage en fer, pour que l’air et la lumière puissent y pénétrer en abondance. Vers le mois de septembre, époque à laquelle les Cailles ont l’habitude d’émigrer, les Cailles domestiques sont prises d’un ardent désir de liberté, et dans leurs élans elles se briseraient la tête contre la toiture de leur volière, si l’on n’avait soin de tendre une toile à 15 ou 20 centimèt., au-dessous du toit. Le sol de la volière doit être planté, dans la partie couverte, de bordures de buis, de thym ou de lavande ; dans la partie découverte, de petits arbustes, tels que lauriers, bruyères, etc. — Le local étant préparé, on s’occupera du choix des sujets. La première condition est de les avoir jeunes et bien portants : ceux qu’on prend au filet, sont farouches et s’habituent mal à la cage ; les couples élevés en volière sont toujours les meilleurs.
La nourriture des Cailles est un mélange de blé, d’orge, de millet, de sarrasin, de seigle, et aussi de chènevis, mais en petite quantité ; car cette graine est très échauffante. On peut aussi leur mettre dans un râtelier des morceaux de carottes et de navets, des feuilles de chou, de la chicorée, etc. Leur bassin sera lavé tous les jours et entouré de verdure. — Au mois d’avril, il faut séparer les mâles, et réunir les couples : les combats entre mâles seraient mortels. La Caille se fait un petit nid, parmi les touffes de buis, avec quelques brins de paille ou d’herbe, et pond par jour de 12 à 18 œufs. Il ne faut point effaroucher la pondeuse en prenant ses œufs, mais saisir le moment où elle est hors du nid. Ordinairement c’est à des poules que l’on donne à couver les œufs de cailles : on préfère pour cet usage les petites poules de Bantam ; à défaut de poule on les donne à une dinde. Elles en couvent de 20 à 25 à la fois. On peut aussi recourir à une couveuse artificielle (Voy. ce mot). — Quand les petits sont éclos, on les met avec la poule couveuse dans une boîte sans paille ni foin. Cette boîte, faite en sapin, doit avoir 1 m . 40 c. de long sur 35 c. de large. Un compartiment plus élevé est destiné à la poule, le reste sert aux petits. Le haut et le bas sont à coulisses ainsi que le compartiment de la mère. Pendant les deux ou trois premiers jours, on nourrit les poussins avec des œufs de fourmis soit seuls, soit mêlés avec une pâtée faite de mie de pain et d’œufs durs hachés menu. Il faut prendre la peine de leur donner la becquée soi-même, autrement la poule mangerait tous les œufs de fourmis ; on en laisse seulement quelques-uns à la mère afin qu’elle apprenne aux petits à les prendre. Comme les œufs de fourmis sont rares, on peut remplacer cette nourriture par du cœur de bœuf écrasé et mêlé à de la farine de pavot, ou bien encore par des asticots, mais cette dernière nourriture est moins saine. On leur donne à boire dans un canari que l’on attache en dehors aux barreaux de la cage ; dans tout autre vase ils se saliraient ou se noieraient. Au bout de 8 jours on leur donne du millet, puis du chènevis, du blé, etc. Au bout d’un mois, la boîte devient trop petite : on l’agrandit soit en plaçant une autre boîte à la suite de la première, soit en mettant celle-ci dans la volière en levant une des coulisses pour que les petits puissent sortir, mais en ayant toujours soin d’y garder la poule. Si la population est trop nombreuse pour la volière on mettra les petits dans un jardin, dans une cour ou dans un parc, en ayant la précaution de leur couper le bout de l’aile pour les empêcher de s’envoler : la mère poule restera toujours dans sa boîte, qu’on changera de place de temps à autre, et les petits la suivront toujours. Quelquefois la passion de se piquer s’empare des Cailles : elles se poursuivent, s’arrachent les plumes et se piquent jusqu’au sang. C’est une manie dangereuse qu’il faut arrêter dès son début. Avec un mélange d’huile et de suie bien pulvérisée, on composera une pommade qu’on appliquera avec un pinceau sur les plaies des blessés. L’amertume de cette composition suffira pour calmer l’ardeur des combattants. — Dès la fin d’août les Cailles ainsi élevées seront bonnes à manger.
Cailles (Cuisine)
C’est vers la fin de l’été que les Cailles sont grasses et succulentes. Celles qui ont été élevées dans les cages ne valent jamais celles qui se sont nourries librement dans les champs et surtout dans les vignes. Plus elles sont mangées fraîches, meilleures elles sont.
Cailles en entrée. Après les avoir plumées, vidées et flambées, on les met dans une casserole, chacune entre deux bardes de lard très minces, avec du sel, du poivre, une feuille de laurier et un verre de vin blanc sec. Quand elles sont cuites on les retire de la casserole et on les dresse sur un plat. On mêle alors à la cuisson un peu d’espagnole (Voy. Espagnole) ; on dégraisse cette sauce on la passe à l’étamine et on la verse sous les Cailles. On peut ajouter comme garniture, entre chaque Caille, soit une belle écrevisse, soit quelques truffes coupées en tranches ou des champignons passés au beurre comme les truffes.
Cailles rôties. C’est la meilleure manière de les apprêter. Après qu’on les a plumées, vidées et légèrement flambées, on les enveloppe d’une feuille de vigne recouverte elle-même d’une mince barde de lard. On les fait cuire sur un petit batelet en les embrochant par le milieu du corps et en ne les laissant au feu que pendant 20 minutes.
Il y a encore une infinité de manières d’apprêter les Cailles, à la braise, à la poêle, en caisses, en papillotes, etc., mais ces procédés dénaturent cet excellent petit gibier et en altèrent le goût fin et délicat. Toutefois il faut dire que les Cailles, lorsqu’elles sont abondantes, sont très bien employées dans un pâté chaud, avec un bon assaisonnement et une garniture de ris de veau, de truffes et de champignons.
Roi des Cailles. Voy. Rale de genêt.