Cochon ou Porc
(Animaux domestiques). — Les races de porcs sont très nombreuses : les plus renommées parmi les races françaises, sont le Cochon de la vallée d’Auge, le Cochon du Périgord, le Cochon pie, le Cochon du Poitou ; et parmi les races étrangères, le Cochon anglais de grande race, le Cochon de la Chine, le Cochon du Tonquin ou de Siam, le Siam nain à jambes courtes, le grand Porc danois ou Cochon du Jutland, etc. — Quelle que soit la race dont on aura fait choix, il faudra préférer les individus qui ont les os petits, ce qui se reconnaît aisément à la petitesse de la tête ; les variétés à grande taille sont plus avantageuses pour la quantité de lard et de chair qu’elles fournissent ; mais sous le rapport de la qualité, les variétés les plus petites sont toujours les meilleures. S’il s’agit d’améliorer une race ou de créer une nouvelle variété, il vaut mieux choisir un beau mâle et une belle femelle des races du pays que de recourir à des races étrangères : en effet, toutes les races de porcs dégénèrent promptement quand on les change de climat, et si l’on veut en conserver une dans toute sa pureté, il faut constamment renouveler les verrats en les faisant venir directement du pays d’où l’espèce est originaire.
Le cochon mâle, ou verrat, n’est propre à la reproduction qu’à l’âge d’un an ; de deux à trois, il est dans toute sa force ; passé cinq ans, il faut l’engraisser ; autrement il devient d’un entretien dispendieux et souvent redoutable par sa méchanceté. — Le cochon femelle, ou truie, doit avoir la tête petite, le groin fin, le cou épais, le dos droit du sommet de l’épaule au sommet de la croupe, le corps arrondi, ample, les épaules fortes, les jambes courtes et minces. Elle entre en chaleur de 6 à 8 mois, et comme elle est fréquemment dans cet état, il faut l’attacher ou mieux l’isoler des autres cochons pour éviter qu’elle ne les tourmente ou ne les blesse : si l’on veut calmer son ardeur, on met dans son manger des herbes relâchantes comme de la poirée ou de la laitue ; on obtient l’effet contraire avec quelques poignées d’avoine grillée. La truie peut produire deux fois par an ; mais si l’on veut avoir des produits plus vigoureux et plus beaux, elle ne devra porter qu’une fois : on la fera couvrir en octobre afin qu’elle ne mette bas qu’en mars ou avril, parce que les petits craignent beaucoup le froid et que ceux qui naissent en hiver réussissent difficilement. — À 8 ans, la truie n’est plus bonne à produire ; mais elle peut encore être engraissée, ce qui n’arriverait pas, si l’on attendait plus longtemps.
Avant et après la mise bas, la truie devient souvent fort indocile ; on doit se garder de la maltraiter, car sa méchanceté ne ferait qu’augmenter, et l’on pourrait dans le premier cas, la faire avorter. On se contente de lui retirer sa mangeaille, et on ne la lui rend que lorsqu’elle se montre paisible : on y ajoute alors un peu de grain. — La truie donne communément de 10 à 12 petits qu’on nomme porcelets ou gorets, quelquefois de 15 à 20, et même plus. Si l’on a lieu de craindre qu’elle ne mange ses porcelets, on les frottera avec une éponge trempée dans une décoction de coloquinte, de chicorée amère, ou de toute autre plante analogue. Les petits et la mère seront tenus chaudement et à l’abri de l’humidité ; on renouvellera souvent leur litière, et on donnera à boire aux premiers dans un baquet plat, de crainte qu’ils ne se noient. — Il ne faut laisser à la truie qu’autant de porcelets qu’elle a de mamelles, car chacun adopte la sienne, et si l’un d’eux vient à mourir, sa mamelle reste vacante et se sèche bientôt. À 3 semaines on enlève les petits destinés à être vendus comme cochons de lait. Avant de les enlever, on fait sortir la mère de l’étable et on la conduit assez loin pour qu’elle n’entende pas leurs cris, ce qui la ferait entrer en fureur ; et quand on l’a ramenée à l’étable, on lui donne du grain pour l’occuper. On sevre les autres gorets à 8 ou 10 semaines : pour cela, on leur donne à manger un mélange de caillé, de farine d’orge, de seigle, de maïs, délayés dans de l’eau de vaisselle ; on peut y ajouter des racines cuites ; plus tard on les conduit aux champs, en évitant de faire paître ensemble les mâles et les femelles. Lorsqu’ils ont atteint 3 mois, on choisit ceux que l’on destine à être vendus et on fait châtrer les autres pour les mettre à l’engrais. S’ils ont bien profité, on pourra les engraisser dès l’âge de 6 à 8 mois, ordinairement en octobre et novembre. Jusqu’à 2 ans ils prennent très aisément la graisse ; plus tard leur engraissement devient plus coûteux et leur chair est moins délicate.
Les cochons élevés à l’étable se nourrissent de fourrages verts, de légumes, de laitues, de racines cuites ou crues, et surtout de pommes de terre. Comme ils mangent de tout, on leur donne les résidus de la laiterie, les débris de la cuisine avec les eaux grasses de vaisselle et, dans le voisinage des fabriques, les résidus des brasseries, huileries, distilleries de grains ; le marc de suif, les tripes des abattoirs, etc. Près des forêts on leur donne du gland et de la faine. — Si on peut les faire sortir on les conduira chaque jour à la glandée et, à leur retour, on leur donnera de la nourriture cuite : ce régime, joint au grand air et à l’exercice, les disposera à un facile engraissement. Les meilleurs pâturages où l’on puisse les conduire sont les champs de trèfle et de luzerne ; on les conduit aussi dans les terres où l’on a cultivé des carottes ou des betteraves ; dans les plus mauvais pâturages, ils trouvent toujours à vivre et en fouillant le sol avec leur boutoir, ils ne laissent pas échapper le moindre ver. Pour éviter qu’ils ne fassent trop de dégât en fouillant le terrain, on les pique, c.-à-d. qu’on leur perce le boutoir avec une petite broche en fer rougie. Pour retenir les coureurs, on leur suspend un morceau de bois au cou avec une corde : ce bois qui passe entre les jambes de devant se nomme taleau.
Engraissement du cochon. Toutes les saisons conviennent à son engraissement, quand on en fait une industrie spéciale ; mais l’automne est l’époque la plus favorable pour engraisser les porcs à la ferme. Le mâle doit rigoureusement avoir été châtré, sans quoi, sa viande conserverait un goût particulier. La femelle ne doit pas nécessairement subir l’extraction des ovaires ; cette opération favorise, il est vrai, le développement de l’obésité, mais elle n’est pas toujours sans dangers. Le système d’engraissement varie suivant le nombre des animaux à engraisser. Quand il ne s’agit que d’un ou de quelques porcs, dont la chair est consommée par la famille du nourrisseur, ou lorsque l’engraissement n’est qu’une opération agricole liée aux autres opérations de la ferme, il n’exige qu’un redoublement de surveillance et de soins et une étude comparative de la composition des aliments, afin d’arriver à connaître avec certitude quels sont ceux qui sont les plus profitables.
Quand on veut engraisser un cochon, on le retient continuellement à l’étable, dans l’obscurité et une tranquillité parfaite et on satisfait amplement son appétit. On a soin de varier sa nourriture et d’en augmenter graduellement la qualité. On lui donne d’abord des pommes de terre cuites mêlées d’orge concassée, puis mélangées avec du son et plus tard avec de la farine d’orge ; plus tard encore on emploie la farine d’orge délayée en bouillie avec des eaux grasses et mélangée avec de la farine de seigle ; on finit par passer ces farines afin de ne plus donner que la fine fleur ; sur la fin de l’engrais, on ne donne plus à boire, et on réveille de temps en temps l’appétit de l’animal en lui donnant chaque jour deux poignées d’avoine saupoudrée de sel qu’on a fait gonfler en la mouillant légèrement ou en la tenant dans un lieu humide. L’engraissement doit durer de 3 à 5 mois : au bout de ce temps, aussitôt que le porc ne manifeste plus d’appétit, il faut se hâter de le tuer.
Profitant de la disposition qui porte le cochon à préférer la nourriture animale aux aliments végétaux, certains nourrisseurs, convenablement placés, utilisent avec avantage les animaux morts pour l’engraissement des porcs. Ils leur donnent de la viande de cheval crue ou cuite, avec ou sans mélange de matières végétales. C’est une erreur de croire que la chair des porcs nourris avec la viande d’autres animaux est malsaine. Non seulement la nourriture animale à laquelle on soumet les porcs ne peut exercer aucune action nuisible sur la santé publique, mais lors même que la viande avec laquelle on les nourrit proviendrait d’animaux malades, il ne pourrait en résulter aucun inconvénient.
Il ne faut point donner de vesce aux pourceaux, cette graine les fait mourir de consomption. — La malpropreté, l’humidité, le mauvais régime, sont les causes ordinaires des maladies du cochon, et surtout de la ladrerie (Voy. ce mot). On aura donc soin de tenir leur habitation parfaitement propre et bien close (Voy. Toit à porc) : on l’ouvrira fréquemment et on changera la litière tous les 3 ou 4 jours ; on y placera une auge pour leur mangeaille et un poteau, contre lequel ils puissent se frotter. On les écartera des voiries, des boucheries, des fumiers ; on les empêchera de s’enterrer dans la fange ; pendant les grandes chaleurs on ne les sortira point en plein soleil et on les fera baigner fréquemment.
Pour la législation, Voy. Porcs.
Cochon ou Porc (Boucherie, Cuisine)
Le porc, pour être bon, ne doit être ni trop jeune ni trop vieux. On préfère généralement celui qui est âgé de 8 mois à 1 an. La chair doit en être ferme et rougeâtre, et il faut rejeter celui dont la chair est parsemée de glandes blanches ou roses : c’est un signe que le cochon est ladre, et cette viande, sans être précisément malfaisante, a perdu presque toutes ses bonnes qualités. En fait de grosses pièces on ne sert guère sur les tables que la hure et le jambon (Voy. ces mots). On emploie les cervelas, les saucissons, les saucisses et le petit lard fumé pour garnitures. Le lard et le saindoux sont de première nécessité dans les travaux de la cuisine. Le saindoux mêlé à la graisse de rognons de bœuf, fait une belle et bonne friture. Voy. Lard, Friture, etc. — Voy. aussi Charcuterie.
Côtelettes de cochon ou de porc frais. On les pare en enlevant une partie de la graisse, et après les avoir légèrement aplaties, on les met sur le gril panées ou non panées. On sert dessous une sauce aux cornichons, ou mieux une sauce Robert, la moutarde convenant très bien pour cette viande toujours un peu lourde. — On peut encore mettre ces côtelettes à la poêle, en les passant dans le beurre que l’on fait fondre d’abord : lorsqu’elles sont un peu dorées des deux côtés, on ajoute du sel, du poivre, un verre de vin blanc, et on laisse cuire doucement sur un feu modéré et pendant une demi-heure tout au plus. On les retire de la poêle pour les dresser, et on les couvre de la sauce qu’on fait un peu réduire et à laquelle on peut ajouter soit des câpres, soit des cornichons coupés en filets.
Filets de cochon ou de porc frais. Après qu’ils ont été parés, on les pique de lard fin, on les assaisonne de poivre et de sel, et on les fait cuire soit à la broche sur des hâtelets, comme le filet de bœuf, soit dans la casserole comme des ris de veau. Ensuite on les glace et on sert dessous une sauce bien relevée, par exemple une sauce poivrade, une sauce Robert, une sauce piquante, etc.
Les filets, ainsi que les côtes, font de très bons rôtis ; mais il faut, avant de les mettre à la broche, les laisser prendre le sel pendant 24 heures. À cet effet on les pare en enlevant la couenne et une partie de la graisse, et on les frotte avec du sel blanc. Toutefois, si le cochon n’est pas trop gras, on laisse la couenne, en la taillant légèrement en forme de petits carrés, et on l’arrose avec de l’huile d’olives pendant la cuisson, ce qui fait crisper la peau et la rend croustillante. La chair de cochon demande à être bien cuite, sans qu’elle prenne cependant trop de couleur : il lui faut un feu modéré et soutenu. On doit dégraisser avec soin le jus avant de le servir sous le rôti ; cette graisse, qu’on met en réserve, est excellente pour assaisonner les légumes secs, et peut être utilement employée dans divers ragoûts en place de beurre. — Les rôtis de porc frais sont au moins aussi bons froids que chauds, et les os mis dans une soupe aux choux, rendent celle-ci plus succulente.
Foie de cochon. La meilleure manière de l’apprêter est de le sauter. Après l’avoir émincé en lames d’égale épaisseur, on fait fondre un morceau de beurre dans un plat à sauter et on y met ces lames qu’on assaisonne de poivre et de sel. On les fait cuire à grand feu ; quand elles sont cuites d’un côté, on les retourne et on y ajoute un peu d’ail haché, des échalotes et du persil également hachés. La cuisson achevée, on égoutte le beurre et on met une petite cuillerée de farine, délayée avec un demi-verre de vin blanc sec. On ne laisse plus bouillir, et quand la sauce est bien liée, on ajoute le jus d’un demi-citron.
Oreilles de cochon. Il faut les nettoyer, les flamber avec soin, et les échauder à l’eau bouillante. On les fait cuire à l’eau avec deux ou trois oignons, quelques carottes, un bouquet garni, du sel et du poivre : on fait cuire en même temps avec elles un légume sec, lentilles, haricots ou pois verts, et on les sert ensuite sur ce légume, soit entier, soit réduit en purée, ce qui vaut mieux (Voy. Purée). On peut aussi les baiser avec des bardes de lard, des oignons et des carottes coupés en tranches et un bouquet garni ; on les mouille de bouillon, et, quand elles sont cuites, on les sert sur une purée de légumes ou sur une sauce tomate.
Pieds de cochon. Quand ils ont été lavés, échaudés et nettoyés avec soin, on les fait cuire à l’eau dans une petite marmite pendant 4 ou 5 heures avec carottes et oignons, sel, poivre et bouquet garni. On les sert soit sur des légumes secs, lentilles, haricots blancs ou pois verts, qu’on a fait cuire en même temps, soit sur la purée de ces mêmes légumes. Ils seront meilleurs braisés et mouillés avec du bouillon. On peut aussi, lorsqu’ils auront été cuits de l’une ou de l’autre manière, les égoutter, les laisser refroidir, les fendre en deux dans le sens de la longueur, les passer au beurre ou les paner et les mettre sur le gril, pour les servir ensuite, soit seuls, soit sur une sauce ou une purée. — Si l’on veut des pieds truffés, on les fait cuire d’abord, comme il est dit ci-dessus, à l’eau ou au bouillon ; ensuite on les désosse. On aura quelques truffes qu’il faut peler ; ces pelures sont hachées et pilées avec un peu de chair à saucisses ou mieux avec un hachis de blancs de volaille. On ajoute à cette farce des lames de truffes, et on en garnit les pieds qu’il faut envelopper d’un morceau de crépine. Il ne reste plus qu’à les faire griller sur un feu modéré.
Cochon de lait. Pour le nettoyer, lorsqu’il a été tué et qu’il est encore couvert de ses poils, on le plonge, en le tenant par la tête, dans un chaudron aux trois quarts rempli d’eau un peu plus que tiède, et on l’y remue doucement jusqu’à ce que les poils commencent à tomber. Alors on le retire, on l’égoutte sur une table et on le frotte vivement à rebrousse-poil avec une serviette très rude. Lorsqu’il est parfaitement nettoyé, on le vide et on lui trousse les pattes, celles de devant étant attachées sous la hure et celles de dernière raccourcies sous la cuisse comme s’il était couché. Du reste les cochons de lait se vendent tout préparés chez les marchands de volaille : il faut les choisir courts et gras. — Pour faire rôtir un cochon de lait, après qu’il a été convenablement nettoyé, on le garnit intérieurement d’un bouquet de fines herbes, et on le met à la broche devant un feu modéré : il exige à peu près une heure et demie de cuisson. On l’arrose de temps en temps avec de l’huile d’olives, pour lui donner une couleur d’un blond égal et doré. Dès qu’on l’a retiré de la broche, on incise légèrement avec la pointe d’un couteau la peau du cou, afin qu’elle conserve ce croustillant qui fait tout le mérite du cochon de lait rôti. On sert à part une maître d’hôtel ou une sauce demi-glace à laquelle on ajoute un peu de beurre, de poivre, de sauge hachée et le jus d’un citron.