Colonies

(Hygiène, Commerce, Voyages). Lorsqu’on a pris la résolution de s’embarquer pour les colonies, on doit avant tout se munir d’un passeport parfaitement en règle. Le prix de ce passeport est de 10 fr. (Voy. Passeport). Cette formalité accomplie, il ne s’agit plus que d’arrêter son passage sur un navire de commerce en partance pour le lieu où l’on a l’intention de se rendre. On sait que les principaux ports d’embarquement sont le Havre, Bordeaux, Nantes et Marseille. Les navires qui y sont sur le point de partir font annoncer longtemps d’avance par les journaux, l’époque de leur départ ainsi que la désignation des maisons de commerce auxquelles on doit s’adresser pour le règlement du prix et des conditions du fret des marchandises ainsi que du passage. L’usage général est de payer d’avance le prix du passage, aussitôt qu’on l’a arrêté, soit entre les mains du courtier maritime indiqué, soit au capitaine du navire en partance qui en donne un reçu motivé. Le prix du passage varie suivant les places (de 1re ou de 2e classe), et selon les distances plus ou moins grandes du lieu de destination. Ce prix est ordinairement de 5 à 600 fr. pour les colonies des Indes orientales ; il est encore plus élevé si l’on double le cap Horn pour aller en Californie, ou pour se rendre en Australie. Sur les bâtiments à vapeur les prix sont toujours plus élevés que sur les bâtiments à voiles ; ils sont aussi plus variables suivant le nombre des concurrences.

Quoiqu’il y ait des départs dans tous les mois de l’année, les départs qui ont lieu en mai et en octobre, sont réputés les plus favorables pour les ports français. Plus le voyage doit être long, plus il est important d’arrêter une place de 1re classe ; ce serait une économie mal entendue que de se priver pendant une traversée toujours pénible des commodités réservées aux voyageurs de première classe. On doit aussi rechercher un navire bon marcheur et d’un fort tonnage. Il faut autant que possible, lorsqu’on est rendu au port de mer d’embarquement, avoir le soin de marquer à l’avance la cabine où l’on doit se coucher. Cette prise de possession évite tout quiproquo ou tout malentendu, au moment quelquefois précipité de l’embarquement. On ne doit pas omettre de se munir d’un bon matelas de bord, avec oreiller et traversin, sans oublier une couverture et quelques paires de draps de toile. Quelques chemises en toile de coton de couleur, sont aussi nécessaires pour une traversée. Enfin, quoique ce ne soit pas une habitude d’embarquer des vivres pour son usage particulier, on se trouvera bien d’avoir emporté quelques provisions, qu’on tient sous sa main dans sa cabine, telles que pruneaux, tablettes de chocolat, citrons, oranges, sucre, etc. — Avant de partir, on se munira de lettres de recommandation pour un ou plusieurs négociants de la ville où l’on doit débarquer. Cette précaution est fort utile, et permet d’obtenir une foule de renseignements tout à fait indispensables à l’Européen qui vient se fixer dans des contrées et sous des climats présentant de si grandes différences avec les pays où il a primitivement vécu. On fera également bien d’emporter avec soi une pacotille de quelques articles d’un écoulement facile dans les lieux où l’on va se fixer. Ces sortes de pacotilles, pour être faites avec discernement et procurer quelque profit, doivent avoir lieu d’après les conseils d’un négociant expérimenté.

Lorsque le lieu pour lequel on a pris passage se trouve placé sous les latitudes intertropicales, il faut avoir soin de se conformer aux prescriptions hygiéniques exigées par le climat. Il règne habituellement dans ces contrées des maladies épidémiques qui déciment les arrivants. Ceux qui font en sorte d’y débarquer dans la saison la moins meurtrière, ont de meilleures chances à courir, surtout s’ils savent profiter de ce temps de répit, pour prendre les précautions sanitaires qui peuvent les mettre à l’abri des influences pernicieuses du climat. Pour les pays situés comme l’Europe en deçà de la ligne, la saison la plus à redouter, est celle de l’hivernage ou saison des pluies, qui commence en juillet et finit en octobre. Il faut donc pour ces contrées chercher à arriver dans les mois de décembre ou de janvier. Pour les contrées situées au-delà de la ligne, les saisons y étant inverses, il faut y arriver en juin, ou en juillet. Dans tous les cas, voici quelles sont les principales précautions à prendre. Les arrivants éviteront les veilles prolongées, les travaux trop continus, l’abus et même l’usage habituel des boissons alcooliques, les exercices violents et en général toute espèce d’excès. On évitera avec soin tout régime échauffant. Sous les climats à température constamment élevée, le tissu cellulaire a besoin, chez les Européens, d’y être plus relâché qu’auparavant, afin de leur procurer une transpiration plus facile, plus égale et plus abondante ; ce qui est dans ces contrées un des meilleurs signes de l’état de santé. À cet effet, dans le commencement, on doit prendre de temps en temps et modérément des bains tièdes et avoir soin de se livrer à de fréquentes ablutions de propreté ; il faut se garder d’user des bains froids et même des bains de mer, parce qu’ils sont trop tonifiants et qu’ils pourraient produire des répercussions de transpiration toujours dangereuses. Lorsqu’on est parfaitement acclimaté et après quelques années de séjour, les bains de mer pris à propos et modérément deviennent au contraire très salutaires pour l’affermissement de la santé. L’usage trop fréquent de certains fruits est pernicieux et produit des dysenteries d’un caractère tenace et dangereux. Les conseils des personnes du pays doivent servir de guide à cet égard. Les oranges mêmes ne doivent pas être mangées sans certaines précautions. Cependant il existe un fruit, le mango ou la mangotine, qui est en quelque sorte la providence des arrivants, il est diurétique et rafraîchissant, et il n’y a pas d’exemple qu’il ait jamais occasionné le moindre accident : on attribue ses qualités bienfaisantes à sa nature un peu résineuse. La goyave, au parfum de la fraise, est encore plus commune, mais moins bienfaisante que le mango. Les bananes, avec les fruits de l’arbre à pain, ainsi que la farine de manioc, le riz et les nombreuses racines alimentaires à fécule de ces contrées, forment la base de la nourriture des habitants et leur tiennent lieu du pain, dont les Européens presque seuls font usage ; mais ceux-ci ne tardent pas à le quitter et à préférer le régime des indigènes. Dans ce régime, il entre surtout une grande variété de poissons frais d’une excellente qualité. En outre les salaisons de morue et de viande des États-Unis en forment le complément habituel. Il ne faut pas oublier que sous ces latitudes constamment chaudes tous les mets doivent être fortement pimentés : sans cet assaisonnement relevé, les aliments paraîtraient trop fades ; ce régime est d’ailleurs nécessaire pour la conservation de la santé.

Sous le rapport de l’industrie, les colonies sont des pays fort peu avancés ; presque rien ne s’y fabrique. Les professions qui y sont les plus communes sont celles de maçon et de charpentier. Mais ces états sont trop rudes et trop pénibles dans les climats chauds, pour que les Européens puissent lutter avec avantage avec les ouvriers indigènes. Presque tous les émigrants passent aux colonies pour y chercher fortune au moyen de l’agriculture ou du commerce. Les agriculteurs et les cultivateurs proprement dits, sont toujours certains d’y trouver des terres à défricher et à mettre en valeur. De même les commerçants et les négociants y ont devant eux une carrière plus facile à parcourir. Quant aux chercheurs d’or, qui forment une classe tout à fait à part, nous n’entrerons dans aucun détail sur ce genre d’industrie.

En raison du haut prix de la main-d’œuvre, les combinaisons du travail agricole pour l’agencement d’une exploitation rurale ne doivent plus être les mêmes qu’en Europe. Dans les colonies, il convient de s’adonner spécialement à l’élève du bétail qui procure le meilleur produit dans les pays où les terres possédées présentent de trop grandes étendues pour être mises en culture avec profit. Toutes les espèces bovines et ovines se trouvent dans toutes les colonies, et y sont à un prix moins élevé qu’en Europe ; il est donc très facile d’y organiser des troupeaux sur les terres que l’on exploite. — À l’égard du commerce, ses différentes branches, assez nombreuses en Europe, se réduisent à deux principales : le commerce du colportage, et le commerce sédentaire en magasin. Le premier se fait à dos de mulets, et est fort lucratif, mais assez pénible et quelquefois dangereux, tandis que le commerce sédentaire offre plus de sécurité. Dans ces contrées l’usage général est de former un entrepôt ou espèce de bazar qui est composé des marchandises les plus variées. C’est dans ces sortes d’entrepôt, que les propriétaires, autrement dits habitants, viennent s’approvisionner de tout ce dont ils ont besoin. Ces habitants ont chez leur négociant commissionnaire, un compte ouvert qui se solde et s’équilibre pendant le cours de chaque année par l’envoi de leurs récoltes. Celles-ci sont alors vendues pour leur compte par leur commissionnaire qui tient le bazar et qui leur avance les fournitures dont ils ont besoin, soit en comestibles, instruments d’agriculture, objets d’ameublement et de toilette, vêtements, etc., que le négociant tire de la métropole. Voy. Émigrants.

Colonies (Postes). La taxe et les conditions d’envoi des lettres pour les colonies françaises sont réglées par des décrets spéciaux qu’il serait impossible de mentionner ici. Tous les renseignements utiles à ce sujet doivent être fournis au public dans les bureaux de poste ; ils se trouvent aussi dans l’Annuaire des postes et dans un tarif dont la vente aux particuliers est autorisée. V. Pays Étrangers.

Colonies agricoles et pénitentiaires. Il y en a de plusieurs sortes : les unes sont des établissements de bienfaisance, qui se recrutent parmi les enfants trouvés et les orphelins pauvres ; d’autres forment des établissements pénitentiaires spécialement créés pour les jeunes détenus ; une troisième catégorie conserve un caractère mixte et reçoit à la fois des jeunes détenus et des enfants trouvés. Les uns et les autres sont entretenus par l’État ou par des particuliers, laïques, ecclésiastiques ou membres d’une association religieuse. — Vers 1860 il existait en France : 39 colonies de jeunes orphelins et enfants trouvés, dont 3 en Algérie ; les principales étaient : Neuhof (Bas-Rhin), Mansigné (Sarthe), Asile-Fénelon (Seine-et-Oise), La Lande au Noir ou Œuvre de Saint-Ilan (Côtes-du-Nord), Le Mesnil Saint-Firmin (Oise), Petit Mettray (Somme), Lesparre (Gironde), Montmorillon (Vienne), Ben-Aknoun et Medjez-Amar (Algérie) ; et 17 colonies agricoles pénitentiaires, dont les principales étaient : Mettray (Indre-et-Loire), Petit-Bourg (Seine-et-Oise), Fontevrault (Maine-et-Loire), Clairvaux (Aube), Loos (Nord), Gaillon (Eure). — Voy. Supplément.

Pour l’entrée des jeunes détenus dans les colonies agricoles, l’initiative appartient tout entière à l’État, qui juge seul de l’opportunité de cette mesure. Dans la pratique, les enfants frappés déjà par la loi comme ayant mal agi, mais sans discernement, n’y entrent guère qu’après 12 ans et y séjournent en moyenne 3 ans. (Voy. Jeunes détenus). — Les colonies agricoles d’orphelins ou enfants trouvés sont recrutées par les municipalités de villes ou les départements qui ont ces enfants à leur charge. Ils sont entretenus, nourris gratis et élevés aux pratiques de l’agriculture ou des états qui s’y rattachent, et en sortent lorsqu’on les croit capables de gagner leur vie. Les frais d’éducation sont supportés par les départements ou les villes. Les demandes d’entrée doivent être faites au préfet du département et appuyées de pièces établissant l’état d’enfant trouvé ou d’orphelin indigent.

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