Croisement des races ou Métissage
(Économie rurale). Il y a des circonstances où il peut être utile de substituer une race d’animaux à une autre, ou de donner, par des croisements judicieux, à la race qu’on possède, les qualités qui peuvent lui manquer. En général, il est plus avantageux de s’en tenir à la race qu’on trouve établie dans le pays où l’on cultive, à moins qu’elle ne soit tout à fait défectueuse. Dans tous les cas, il faut commencer par porter la race indigène à sa plus grande perfection possible, soit par un choix persévérant des meilleurs reproducteurs des deux sexes, soit par un meilleur régime alimentaire. Il faut ensuite améliorer la culture sous le rapport de l’accroissement des ressources en fourrages et en racines fourragères, afin d’être assuré d’avance que les animaux de races étrangères au pays, introduites comme améliorateurs, ne seront pas exposés, eux et leurs produits, à dégénérer faute d’une nourriture appropriée à leurs besoins.
Toutes choses étant ainsi disposées pour le croisement, l’opération doit toujours avoir pour base les mâles, et non les femelles. Si l’on veut, par ex., introduire du sang mérinos dans un troupeau de moutons solognots, il faut se garder de croiser les béliers solognots avec des brebis de pur sang mérinos. On donne, au contraire, aux meilleures brebis de Sologne des béliers mérinos. Dans la première génération provenant de ce croisement, tous les mâles métis seront convertis en moutons ; si l’on en réservait quelques-uns pour la reproduction, même en choisissant les mieux conformés, le troupeau retournerait au type maternel, et l’effet du croisement ne serait pas durable.
En règle générale, il faut ne croiser entre elles que des races assorties par la taille, et, autant que possible, par le tempérament, et choisir dans les deux races les individus les mieux constitués pour la reproduction. Surtout il faut savoir se défendre de cette précipitation inconsidérée qui compromet tout en voulant tout hâter. Les béliers, avant d’être utilisés pour la multiplication, devront être nourris pendant un temps plus ou moins long à la bergerie ou au pâturage avant de commencer le croisement.
Partout où le croisement est reconnu praticable avec avantage, on ne peut trop recommander de le faire servir à ce qu’on nomme l’amélioration par progression. Ce mode d’appliquer le croisement offre l’incontestable avantage de donner, quant à la quantité ou à la qualité des produits, une augmentation immédiate qui progresse sensiblement d’année en année. Voici comment procède cette méthode. On suppose un troupeau de 300 brebis de race commune, qu’on veut soumettre au croisement pour l’améliorer progressivement. Il faudra les croiser exclusivement avec des béliers de la race supérieure ; on aura, en outre, de 4 à 12 brebis de cette même race. On obtiendra par ce moyen, dès la première année, des métis de premier croisement, et de plus, un certain nombre d’agneaux de pur sang, de père et de mère. Ces agneaux deviendront, avec le temps, d’excellents reproducteurs. Les femelles de race commune seront successivement supprimées, à mesure que le nombre des brebis métisses augmentera. Les béliers métis seront convertis en moutons, sans exception, et le troupeau finira par n’avoir plus ni brebis communes, ni brebis métisses ; il se composera exclusivement de brebis mérinos. — Cette transformation sera accomplie au bout de 11 ans, si l’on a commencé avec 12 brebis de la race supérieure ; de 12 ans, si le noyau servant de point de départ a été seulement de 10 brebis. Si ce noyau n’est que de 8 brebis, l’opération durera 13 ans ; s’il est de 6 brebis, elle durera 14 ans ; enfin, s’il n’a pas été possible de commencer avec plus de 4 brebis de race pure, le résultat du croisement ne sera complet qu’au bout de 15 ans ; et encore, dans ce calcul, faut-il tenir compte des accidents qui peuvent survenir.
Afin de pouvoir distinguer sans erreur possible les bêtes parvenues à un degré de croisement plus ou moins avancé, il est nécessaire qu’elles soient marquées. Les brebis de race commune n’ont besoin d’aucune marque ; celles de la 1re génération ont l’oreille droite percée ; on perce l’oreille gauche des bêtes de la 2e génération, et les deux oreilles de celles de la 3e. Dès qu’on arrive à la 4e, les bêtes communes ont disparu ; cette génération n’a donc besoin d’aucune marque. On recommence à marquer à l’oreille droite les bêtes de la 5e génération ; le troupeau n’en doit plus avoir une seule de la 1re. La 6e génération est marquée d’un trou à l’oreille gauche ; les béliers de la 2e ont alors disparu. La 7e a pour marque un trou à chaque oreille ; il n’existe plus dans le troupeau de bête de la 3e. À la 8e génération, il ne faut plus de marque ; tous les métis sont au même point d’amélioration ; il n’y a plus de bêtes de la 4e génération ; le nombre des brebis de race pure augmente rapidement, elles sont d’ailleurs si faciles à reconnaître que le système de marque indiqué ci-dessus peut être poursuivi ou abandonné sans inconvénient.
Tout ce qui vient d’être dit peut s’appliquer aux animaux des races bovine, porcine et chevaline. (Voy. Taureau, Cochon et Haras). Le croisement des races s’effectue également sur les oiseaux et s’emploie pour améliorer les races de la basse-cour. Par le croisement des coqs de grande taille avec les poules communes on grossit la race de celles-ci ; et, en mêlant les pigeons de volière avec les pigeons bisets, on obtient des pigeons plus gros que les bisets et qui cependant en conservent les mœurs.