Étrangers
(Législation). — 1° L’étranger peut hériter en France ; on peut lui donner ou recevoir de lui toute espèce de biens, de la même manière que s’il s’agissait d’un Français ; seulement, dans le cas de partage d’une succession entre des cohéritiers français et étrangers, les Français prélèvent sur les biens situés en France une portion égale à la valeur des biens situés en pays étranger dont ils seraient exclus, à quelque titre que ce soit, en vertu des lois et coutumes locales. Pour les actes autres que les successions, et les dispositions de biens, l’étranger jouit en France des mêmes droits que ceux qui sont accordés aux Français par les lois ou les traités de la nation à laquelle ces étrangers appartiennent. Il a indépendamment de ces lois et traités, le droit de paraître en justice devant les tribunaux français, de faire les contrats qui ont pour objet la propriété ou la possession des choses mobilières ou immobilières, et les démembrements de la propriété, tels que l’usufruit, l’usage, les servitudes, d’invoquer la prescription, d’exercer le droit de propriété littéraire, de prendre un brevet d’invention, de faire le commerce, etc.
Les étrangers ne jouissent pas en France des droits politiques. Ils ne peuvent remplir aucune fonction publique assermentée, et les actes qu’ils passeraient comme fonctionnaires seraient nuls. Ils ne peuvent, sous la même sanction de nullité, être officiers ministériels, notaires, avoués, etc. Nul étranger ne peut exercer la médecine, la chirurgie ou la pharmacie, ni être nommé à une fonction dans l’instruction publique ; il ne peut diriger un établissement libre d’enseignement ou y remplir une fonction d’enseignement ou de surveillance, qu’autant qu’il a obtenu une autorisation spéciale du ministre de l’instruction publique, autorisation qu’il obtient en justifiant qu’il a été admis à la jouissance des droits civils et en présentant des pièces équivalentes aux brevets et diplômes nationaux exigés par la loi (Loi du 16 mars 1850 ; Décret du 5 décemb. 1850). On ne peut prendre des étrangers pour arbitres. S’ils peuvent déposer en justice et figurer comme témoins dans les actes de l’état civil, il leur est interdit d’être témoins dans aucun testament ni dans aucun acte authentique, ce qui doit attirer l’attention des personnes qui, produisant des témoins, doivent bien s’assurer de leur capacité comme Français : cette précaution est utile particulièrement dans les départements frontières ; si les étrangers ont les droits de famille, ceux d’époux, de père, ils ne peuvent être tuteurs en France, ni adopter un Français. Un étranger peut épouser une Française en France ou à l’étranger, il en est de même d’un Français à l’égard d’une étrangère ; le mariage n’est valable en France qu’autant que l’époux français a rempli les conditions imposées par la loi française, même si le mariage a été célébré à l’étranger. Voy. Mariage.
2° Il ne faut pas considérer un étranger avec lequel on serait disposé à traiter d’une affaire quelconque, comme ayant un droit de résider et de fixer indéfiniment, selon sa volonté, son domicile en France ; le ministre de l’intérieur peut toujours lui enjoindre de sortir immédiatement de France et le faire conduire à la frontière ; les préfets des départements frontières ont le même droit, mais seulement quant aux étrangers non résidants, et à la charge d’en référer au ministre de l’intérieur.
Un débiteur étranger, condamné par un jugement, est contraignable par corps pour l’exécution de ce jugement ; il peut même être arrêté avant jugement (Voy. Contrainte par corps). Le débiteur étranger ne peut obliger ses créanciers français à accepter, pour sa libération, la cession de ses biens.
Lorsqu’un étranger veut intenter un procès à un Français devant un tribunal de France, le Français a le droit d’exiger, excepté en matière commerciale, qu’il fournisse une caution qui réponde du payement des frais et des dommages-intérêts auxquels il peut être condamné s’il succombe, à moins que cet étranger ne possède en France des immeubles suffisants pour garantir ce payement (Voy. Caution judicatum solvi). Un Français peut citer un étranger devant les tribunaux français pour l’exécution des obligations contractées par lui envers ce Français, soit en France, soit en pays étranger.
3° Les lois de police et de sûreté obligeant tous ceux qui habitent le territoire français, leur infraction est poursuivie contre les étrangers comme contre les nationaux ; le Français qui a été lésé par un crime, un délit, une contravention, commis par un étranger, peut donc déposer sa plainte devant les magistrats français, et se porter partie civile pour obtenir réparation du préjudice que l’infraction lui aurait causé. — Les immeubles possédés en France par des étrangers sont soumis à la loi française ; ils sont donc assujettis à toutes les règles de nos lois sur les hypothèques, les donations, les servitudes, les expropriations, etc. La transmission et disposition des meubles qu’un étranger possède en France sont régies par la loi de son pays. L’étranger qui veut passer en France un acte reconnu par la loi française doit le faire dans les formes que cette loi prescrit, lors même qu’elles différeraient de celles suivies dans son pays. Quant aux règles qui fixent la capacité personnelle, p. ex., l’âge de la majorité, les conditions imposées pour la faculté de se marier ou les prohibitions de mariage, elles sont, pour l’étranger, déterminées par la loi étrangère ; un Français, avant de contracter un engagement d’affaires, de passer un contrat avec un étranger, à plus forte raison s’il s’agit de contracter un mariage, doit donc bien s’assurer si, d’après la loi de son pays, cet étranger est reconnu capable de contracter légitimement l’acte qu’il veut faire en France. Si le mariage avec un étranger a été contracté en pays étranger, l’acte doit être transcrit en France. Voy. Célébration de mariage.
L’étranger qui a été admis par autorisation du gouvernement à établir son domicile en France, y jouit de tous les droits civils tant qu’il continue d’y résider. Pour obtenir cette autorisation, l’étranger doit adresser une demande sur papier timbré, avec son acte de naissance, au ministre de la justice ; la concession entraîne le payement de droits montant à 172 fr. ; le gouvernement peut faire remise de tout ou partie de cette somme. L’autorisation est toujours nécessaire, quelle que soit la durée du séjour que l’étranger ait fait en France, et quelle que soit la situation qu’il y ait occupée. L’autorisation peut être retirée par le gouvernement. L’étranger admis à fixer son domicile en France n’est pas, pour cela, autorisé à exercer les droits politiques, ni à remplir aucune fonction publique ; mais il jouit de tous les droits civils, et on traite en sûreté avec lui comme avec un Français. Dans la commune où il demeure, il peut participer à l’affouage de la même manière que les autres habitants (C. Nap., art. 3, 11, 14, 16 ; L. du 14 juillet 1819 ; — L. du 3 déc. 1849 ; C. de proc. civ., art. 905).
4° En principe, tout étranger n’est admis à pénétrer sur le territoire français que s’il est porteur d’un passeport (Voy. ce mot), délivré par l’autorité compétente du pays d’origine, et revêtu du visa de l’agent diplomatique ou consulaire français établi dans ce pays ; faute de quoi, il pourrait être contraint de regagner la frontière. Il pourrait néanmoins obtenir de continuer son voyage en se faisant délivrer immédiatement un passeport par son consul ou son ambassadeur. Le visa français doit être renouvelé pour chaque voyage à destination de France ; mais la taxe applicable au visa n’est exigée que pour le premier voyage, et tous les visas réclamés dans le cours de l’année, pour la durée de laquelle le passeport est valable, sont délivrés gratuitement. Les tarifs en vigueur permettent aux chancelleries diplomatiques et consulaires de délivrer gratis des titres de voyage aux indigents, et d’en accorder à droit réduit aux personnes pour lesquelles l’acquittement de la taxe entière serait trop onéreux.